[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#dd9933″]D[/mks_dropcap]ans la lignée de son premier roman, Thomas Giraud nous raconte, avec La ballade de Jackson C. Frank, la triste vie d’un chanteur folk américain qui marqua pourtant l’histoire de la musique. Au-delà du récit, l’écrivain nantais précise son style tout en délicatesses et fulgurances d’écriture.
Le livre commence par un incendie, celui du bâtiment en bois où le jeune Jackson suivait des cours de musique. Il passe 7 mois dans un hôpital, rescapé de l’incendie mais marqué dans sa chair. Tout cela n’a pas détourné son attention de la musique. Au contraire, les parents de Jackson vont être plus compréhensifs, faisant tout pour que leur fils dépasse ce début de vie chaotique. Son professeur va même lui offrir une guitare. Plus tard, Jackson C. Frank dira que sa vie était régulée par la chance, chance d’avoir pu réchapper à l’incendie, chance d’avoir rencontré le King Elvis lors d’une visite à Graceland et chance d’avoir obtenu un chèque de dommages et intérêts.
A partir de cette histoire, Thomas Giraud fait comme pour Elisée Reclus, il tisse tous les éléments biographiques et autres matériaux concernant Jackson C. Frank pour fabriquer un texte inédit, ni roman biographique, ni biographie romanesque. Lire ce livre est comme rentrer dans l’atelier de fabrication d’un musicien. La langue se rapproche de l’art du personnage sans pour autant l’imiter. Le ressenti que transmet Thomas Giraud n’est pas celui d’un musicologue. Il est celui d’un écrivain usant des phrases pour tisser l’imaginaire folk traversé par des figures comme Bob Dylan, celui que Frank ne pourra jamais dépasser, Paul Simon et Art Garfunkel ou encore Nick Drake.
Dans Elisée, avant les ruisseaux et les montagnes, le texte laisse éclore un rapport à la nature très fort, vecteur de créativité et de joie. Ici la nature est triste, elle n’aide pas l’inspiration mais provoque de la mélancolie. Ce qui s’échappe de ce texte est le rapport au corps, meurtri dès sa jeunesse, qui devient un sujet d’obsession. Le personnage de Jackson C. Frank voit dans la greffe de peau qu’il a sur le front un parallèle surprenant avec un tableau de Rothko vu dans un musée. Ce parallèle est comme l’unique moyen de considérer son corps et sa peau. Dans les mots de Thomas Giraud, ce n’est pas la chance qui rythma la vie du musicien, plutôt la déclinaison d’un être fragilisé par un incident originel. Il aura fait vibrer sa guitare, n’aura enregistré qu’un seul disque mais restera enfermé dans ce corps aux morceaux de peaux brûlées, jaune et orange.
Thomas Giraud nous a fait le plaisir de concocter une petite playlist où l’on trouvera ce qui a nourri et accompagnée l’écriture de ce livre :