[dropcap]A[/dropcap]près une impressionnante anticipation en 2016, évoquée ici même, et un texte sur la sororité paru en 2019, Chloé Delaume revient avec un roman à l’allure plus légère. On retrouve avec plaisir son inventivité littéraire autant dans son écriture chantante que dans la construction de son récit. Dans Le cœur synthétique, l’autrice nous dresse le portrait d’une femme de la quarantaine devenue célibataire après un divorce. Ce livre semble construit comme une chanson et les références musicales y sont nombreuses.
Il y a plus de femmes que d’hommes et ils meurent en premier. À défaut d’être lesbienne, il faut être inventive. Qu’Aphrodite soit partie ou qu’elle préfère rester. Certains peuvent être en couple, mais rongés de solitude. Il n’y a que l’amitié et la sororité qui préservent de l’abîme. Mode de vie adapté, en cercle se regrouper, s’organiser pour rire et ne pas crever toute seule. Chloé Delaume
« Adélaïde Berthel est une femme comme une autre » répète la narratrice. Ce rapport à la banalité est très présent surtout lorsqu’on repère ici et là des éléments auto-fictifs. Adélaïde est attachée de presse pour la maison d’édition David Séchard et s’occupe entre autres de l’autrice Clotilde Mélisse. Celle-ci fait aussi partie de sa bande d’amies qui l’aide au quotidien. Adélaïde lutte pour trouver l’amour et mène aussi, sur un autre front, les évolutions du monde éditorial.
Toute ressemblance n’est pas totalement fortuite. Chloé Delaume décrit le milieu de l’édition de manière féroce et quand nous connaissons les tourments qui ont secoué certaines maisons d’édition ces dernières années, c’est un plaisir coupable d’y voir le réel du fictif. Mais l’écrivaine décrit aussi un phénomène bien contemporain auquel tant de femmes se retrouvent confrontées.
Le cœur synthétique parle du célibat des femmes de plus de quarante ans. Pour celle vivant cette situation créée par l’idéalisation du corps féminin, la lecture peut devenir déroutante voire particulièrement désagréable. Pour les hommes, certains pourront découvrir la tyrannie du désir masculin. Le lecteur masculin conscient de cela devra se remettre en question. Aucun profil de lecteur n’est épargné et c’est un pari risqué que fait Chloé Delaume en proposant cette histoire. Elle joue avec du sensible et manie la fiction pour mieux percer les failles de la réalité.
Mais ce roman va bien au-delà du célibat féminin. Chloé Delaume est toujours dans une recherche formelle inédite. Ici, la musicalité irrigue le livre. Le roman semble construit à l’égal d’une chanson d’amour. Dans les titres et à l’intérieur des chapitres, on retrouve une multitude de références musicales. Au-delà des citations, la langue si reconnaissable de Chloé Delaume, construite en césures, donne un ton chantant, comme si le livre s’apparentait à un album pop au féminisme engagé.
[divider style= »dashed » top= »20″ bottom= »20″]
[one_half]
Le cœur synthétique de Chloé Delaume
Éditions du Seuil, 20 août 2020
[button color= »gray » size= »small » link= »https://www.seuil.com/ » icon= » » target= »true » nofollow= »false »]Site web[/button][button color= »blue » size= »small » link= »https://www.facebook.com/editions.seuil » icon= » » target= »true » nofollow= »false »]Facebook[/button][button color= »pink » size= »small » link= »https://www.instagram.com/editionsduseuil/ » icon= » » target= »true » nofollow= »false »]Instagram[/button][button color= »green » size= »small » link= »https://twitter.com/EditionsduSeuil » icon= » » target= »true » nofollow= »false »]Twitter[/button]
[/one_half][one_half_last]
[/one_half_last]
[divider style= »dashed » top= »20″ bottom= »20″]
Image bandeau : DESIGNECOLOGIST / Unsplash