[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]R[/mks_dropcap]oman familial, roman philosophique, roman de filiation, roman de guerre ou encore roman de mémoire, Le fils du héros brasse de nombreux thèmes. On pourrait rajouter roman historique, de par son évocation des hommes de Cuba envoyés faire la guerre en Angola pour assurer une sorte de pérennité de la Révolution.
Karla Suarez nous donne l’histoire d’une famille dont le père est mort en Angola laissant une veuve, un fils et une petite fille. C’est ce garçon, Ernesto qui raconte tout et dont nous allons suivre la vie, de sa petite enfance à l’âge adulte. Une enfance dorée, entre famille et amis.
« Ce fut le premier jour de notre jungle verte. Dans ma mémoire, le bois de La Havane sera toujours un lieu enchanté envahi de plantes grimpantes, avec une étrange lumière qui filtrait à travers les arbres. Et le bruit de la rivète en fond sonore. Un bois est un lieu hors du temps. Un bois est un lieu où ton père t’emmène pour que tu n’oublies jamais d’inventer des histoires et d’y croire. »
De pérégrinations dans les bois en amourettes, c’est une belle enfance jusqu’au moment fatal où Ernesto apprend la mort de son père. Il n’est plus alors qu’un simple garçon cubain insouciant qui va à l’école. Il devient « Le fils du héros ». Le fils de cet homme qui, comme tant d’autres cubains-, est parti au combat et a perdu la vie.
Karla Suarez analyse très finement ces moments de vie, les sentiments ambivalents d’Ernesto. Sa fierté et son désarroi. Elle profite également de ces passages pour critiquer le régime cubain à travers un oncle d’Ernesto qui ne supporte pas la mort de son frère.
Une mort qui prend toute la place. Ernesto ne sait pas, ne veut pas, ne peut pas faire le deuil de son père. Vivre à Cuba l’en empêche. Mais même adulte et marié, cette histoire le poursuit. Il se lance dans des recherches sur la guerre en Angola et rencontre un homme qui va l’aider. Tantôt doux, tantôt dur, le texte de Karla Suarez oscille entre passé et présent, l’un expliquant l’autre.
Difficile de dire ce qui prend le dessus ici : le côté historique, la recherche filiale et philosophique d’un fils qui se demande comment vivre sans comprend la mort de son père ?
Peut-être faut-il simplement se laisser aller à lire un texte extrêmement émouvant et complexe.
Le fils du héros de Karla Suarez
Traduit de l’espagnol (Cuba) par François Gaudry, éditions Métailié, août 2017