Hervé Guilloteau et son groupe théâtral Grosse Théâtre est un habitué du TU de Nantes. Il y joue en ce début octobre une adaptation du classique des classiques Le neveu de Rameau de Denis Diderot. Ce chef-d’oeuvre véhicule la qualité et le défaut inhérent quand un texte passe à la postérité. La qualité étant la force satyrique éternelle du contenu. Le défaut, un lourd et pesant statut de classique qui ennuie le plus souvent les collégiens forcés à le lire.
Mais ici, point de perruque style 18ème et de trémolos dans la voix. A part la perruque faisant ressembler le personnage principal plus à une jolie blonde, un peu baraqué tout de même, plutôt qu’à un dandy poudré sorti tout droit du siècle des lumières. Dès l’entrée dans la salle, le spectateur voit tout de suite qu’il ne s’agira pas ici de l’une de ces adaptations maniérées et poussiéreuses. La disposition scénique est assez minimaliste, à part l’estrade qui servira au French Cowboy, Federico Pellegrini, qui accompagne musicalement le spectacle. L’estrade est juste entourée de deux néons lumineux à l’horizontale.
Puis le spectacle commence et le dynamisme prédomine dans ce qui est pourtant une adaptation libre mais fidèle du texte de Diderot. Ce neveu qui préfère les vices à la vertu est interprété par Hervé Guilloteau lui-même. Il intervertit ainsi des caractéristiques du personnage du dandy et du philosophe. Dans le livre, le philosophe semble plus âgé que le neveu. Dans cette adaptation, c’est l’inverse et le philosophe est partagé en trois rôles interprétés par Kevin Laplaige, Tanguy Bordage et Coline Barraud.
Le propos est ainsi clair sur ce que pense le metteur en scène du personnage principal et sur sa propre mentalité, ainsi que sur la jeunesse actuelle. Une jeunesse qui est devenue « plus morale et moralisatrice » nous dit Kevin Laplaige dans le livret qui présente le spectacle. Il ajoute « Je pense que l’on est beaucoup plus prudent, le verbe s’est rétréci aussi, il y a beaucoup moins de libertés, donc on essaie de plaquer les vérités sur les choses avant même de les dire. ».
Le dialogue entre les philosophes et le neveu se déploie dans une mise en scène baroque. Le ton se fait moqueur, léger mais parfois plus grave, lyrique. Hervé Guilloteau et ses comédiens réussissent à dynamiter un classique pour lui rendre le mordant qui s’était estompé au fil des siècles.
Il reste jusqu’au 16 octobre pour aller voir, au TU de Nantes, Le neveu de Rameau par Hervé Guilloteau et son Grosse Théâtre, mais il va évidemment tourner dans d’autres villes notamment au Nouveau théâtre d’Angers à partir du 26 avril 2016.