[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]P[/mks_dropcap]assionnant parcours que celui d’Alexandre Jacob, dit Attila, dit Trompe La Mort, dit Le Voleur, né en 1879 et dont la vie se révèle aussi tragique et cabossée qu’incroyable, dense, romanesque et généreuse. Marin épris de liberté, déserteur, apprenti typographe, anticlérical et anti-juge, cambrioleur, meurtrier, anti-communiste, militant politique et anarchiste, participant actif aux réunions de la jeunesse révolutionnaire, bagnard pendant 20 ans, commerçant de rouleaux de tissus… Son histoire est hors-norme et méritait bien une BD !
C’est donc chose faite sous la plume du scénariste Matz (Le Tueur, Casterman) et des coups de crayon du dessinateur et coloriste Léonard Chemineau (Les amis de Pancho Villa, Casterman). Les deux auteurs se connaissent bien puisqu’ils ont déjà travaillé ensemble pour le même éditeur (Rue de Sèvres) sur la bande-dessinée Julio Popper, autre personnage extraordinaire et grand voyageur, qui fonda une monnaie et fit fortune avec l’or de Patagonie !
Intitulé Le travailleur de la nuit, en référence aux centaines de méfaits que Jacob et sa bande ont pu commettre entre chien et loup, cette BD nous livre donc les tenants et aboutissants d’un destin aux multiples ressorts. Alors, pour ne pas s’y perdre, elle s’appuie sur une petite astuce scénaristique : le livre s’ouvre sur le procès de Jacob, dont le témoignage auprès des jurés lui offre de nous dérouler sa vie, son œuvre. Et nous voilà embarqués au son de sa voix, de page en page, de chapitre en chapitre, de Montpellier à La Rochelle, de Cayenne à Barcelone, etc.
D’une tranche de vie à l’autre, le découpage de l’ouvrage est intelligent et donne le bon rythme. Les illustrations sont expressives, tantôt pleine page, tantôt cernées dans des cases au format changeant. C’est donc sans peine et avec un brin de curiosité sans cesse renouvelé que l’on feuillette cette bande-dessinée, histoire de savoir véritablement qui se cache derrière le révolté M. Jacob, dont on dit qu’il inspira la création du personnage d’Arsène Lupin.
Le 28 août 1954, considérant avoir fait le tour de la question, l’homme se suicida chez lui, non sans avoir consacré son dernier après-midi à l’organisation d’un goûter pour les enfants de son village !
Une « drôle » de vie donc, à feuilleter sans hésiter.
Le travailleur de la nuit de Matz et Chemineau
Paru aux Édition Rue de Sèvres