[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#cca07e »]P[/mks_dropcap]our entrer dans la lecture de L’Enfant qui, le dernier roman de Jeanne Benameur, il faut être attentif au bruissement de la langue de l’étrange étrangère.
C’est un murmure venu de la forêt ; il s’échappe des vapeurs d’humus, suit les courbes de la rivière, rebondit sur les rochers et disparaît dans un tourbillon d’eau vive avant de resurgir dans le vent puis de s’évanouir à nouveau.
Il est aussi insaisissable que la mère, l’absente du roman dont chacun des personnages en présence – le père, la grand-mère et le fils – dessinent le portrait en sensations : la sensation du vide pour le père, de la mémoire traumatique pour la grand-mère et de l’éveil à soi pour le fils.
Ce roman délicat, au carrefour du conte, de la fable et du poème, explore avec grâce les façons de se construire dans le sillage des mères.
La clé de cette construction, c’est le langage et l’imaginaire qu’il stimule ou au contraire, qu’il pétrifie.
La mère disparue a transmis à son fils l’accès à un langage secret et ouvert tandis que la grand-mère, à travers ses avertissements et ses peurs, a ancré chez son fils, devenu mari et père ensuite, du vide et un imaginaire bloqué.
En définitive, ce que nous enseigne ce petit bijou, c’est que le langage est le socle et l’imaginaire est la liberté.
« Tant que les mères marchent auprès de nous, nous n’avons pas à nous soucier de la route ».
L’enfant qui de Jeanne Benameur, paru chez Actes Sud, mai 2017