[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#39a7cc »]A[/mks_dropcap]vec Une Longue Impatience, Gaëlle Josse signe sans doute son roman le plus abouti, le plus épuré. Elle va au cœur des sentiments, au cœur de l’attente. Celle d’Anne Quémeneur. Car cette longue impatience, c’est l’histoire d’une absence. Au-delà des mots, au-delà de l’horizon, au-delà du temps. Une absence, une attente. Un silence.
Ce soir, Louis n’est pas rentré. Je viens d’allumer les lampes dans le séjour, dans la cuisine, dans le couloir. Leur lumière chaude et dorée, celle qui accompagne la tombée du soir, si réconfortante, ne sert à rien. Elle n’éclaire qu’une absence.
Louis, seize ans, est le fils aîné d’Anne Quémeneur. Il est le fruit d’une première union, celle qui, après un naufrage, a fait d’Anne, la veuve le Floch. Les relations avec Étienne, son beau-père sont houleuses, et après une énième altercation, Louis ne rentre pas. Il a pris la mer, ou la mer l’a pris. Il est parti loin.
Alors, tous les jours, Anne va l’attendre. Elle va gravir, jour après jour, saison après saison, année après année, le chemin qui la mènera à ce promontoire qui deviendra son point d’ancrage. Elle guettera les bateaux, au loin. Désespérément. Pour rester debout.
Elle lui écrira des lettres poignantes, adressées à « Louis le Floch, loin en mer ». Elle l’attendra comme on attend un nouveau début. Ou une fin.
Lorsque tu reviendras, ce sera une délivrance. Oui, je serai délivrée, de tout, et heureuse, même si ce mot m’effraie à prononcer tant il est absolu.
Elle continuera jour après jour, cheveux blancs après cheveux noirs, à être la digne épouse d’Étienne, le pharmacien du village, qui l’aime tant. Qui l’aime peut-être mal. Elle essuiera ses larmes et les sarcasmes des bien-pensants. Elle espèrera, déchirée et déchirante.
Au-delà de l’absence, et de la souffrance générée, c’est une splendide peinture sociétale : celle de l’après-guerre, des relations entre hommes et femmes, dans un petit village breton, où le qu’en-dira-t’on occupe une place prépondérante.
Il est impossible de ne pas être bouleversé par ce roman, par cette histoire de femme, de mère, par cette alternance entre un récit sombre et lettres lumineuses. L’écriture de Gaëlle Josse, aussi belle que pudique, aussi fine que sensible, fait de cette Longue Impatience l’une des plus belles surprises de cette rentrée littéraire d’hiver.