[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]D[/mks_dropcap]écidément les auteurs argentins aiment à revenir vers le passé proche de leur pays.
Après Les jeunes mortes de Selva Almada sur le sort des femmes argentines, après L’échange d’Eugenia Almeida qui évoquait le pouvoir toujours en place mais caché des anciens de la dictature, les Editions Métailié proposent un nouveau grand livre argentin : Les eaux troubles du Tigre d’Alicia Plante.
Dans une maison au bord du fleuve du Tigre, un couple est retrouvé mort. La police conclut à un suicide. Une voisine va alors mener une longue enquête, aidée par un juge d’instruction à la retraite.
Cela pourrait ressembler à une enquête tout à fait classique. Il n’en est rien. En effet, Alicia Plante multiplie les points de vue, les narrateurs, les allers retours entre le passé et le présent. Cela ne rend pas forcément la lecture de ce roman simple mais l’auteur a le mérite de nous tenir en haleine et éveillé.
Je parlais en introduction du passé proche des argentins. Ici cela existe sous la forme des fantômes de la dictature : l’enlèvement des bébés à peine nés, le meurtre de leurs parents et le fait que ces nourrissons étaient alors donnés à des gens proches du pouvoir.
On apprend vite qui est cet enfant enlevé à sa naissance et quelle vie il a eu. Plante délaisse alors l’enquête policière proprement dite sur de longs chapitres pour se concentrer sur les motivations des parents « adoptants », sur les remords du père et sur les envies d’un maître chanteur pas très net.
C’est un livre nécessaire, sûrement, pour les Argentins, mais qui nous parle fortement grâce à la maîtrise d’Alicia Plante et à sa façon de nous raconter cette histoire terrible à travers des personnages humains, en recherche et d’autres, perdus dans les illusions et la violence d’un dictature qui a fait tant de mal.
Les eaux troubles du Tigre d’Alicia Plante traduit de l’espagnol (Argentine) par François Gaudry, Editions Métailié, mai 2016