Pour notre grand plaisir voici un nouveau antihéros comme les affectionne cet éditeur que nous ne présentons plus et que les lecteurs redemandent avec jubilation.
Après le script doctor alcoolique de Karoo, le postier voyeur et mythomane de Mailman, le collecteur de fonds maladroit de Demande et tu recevras, voici donc Benjamin Benjamin (oui vous avez bien lu), un type qui traverse une mauvaise passe et c’est le moins que l’on puisse dire. En effet notre hurluberlu a quitté le foyer conjugal, pressé au divorce par sa femme Janet qui l’exhorte de remplir les formalités administratives mais lui est plutôt opiniâtre, il veut prendre son temps, il n’est pas pressé pour signer les papiers, au grand désespoir de son ex qui usera de moyens particuliers pour arriver à ses fins…
Ben est surtout très affecté par un drame familial qui semble un poids insupportable et insurmontable. Il n’arrive pas à se remettre de ce douloureux épisode et dont nous connaitrons que bien plus tard les tenants et les aboutissants de ce dernier. Après une formation vite expédiée, il se voit confier un job pas très bien payé, mais qui doit le responsabiliser et le remettre à l’étrier, la fonction d’assistant à la personne en tant qu’aide soignant d’un jeune garçon, Trev, lourdement handicapé par une maladie qui lui emprisonne son corps. Est-ce que notre homme va endosser le rôle à contre emploi à l’instar de Jeremy Cook, linguiste de formation embauché par l’agence Pillow pour conseiller un couple à la dérive dans l’excellent roman de David Carkeet Une putain de catastrophe ? La comparaison s’arrête là car le livre précédemment cité utilise le ton de la comédie souvent corrosive. Dans Les fondamentaux de l’aide à la personne revus et corrigés, le narrateur adopte un ton doux amer imprégné d’une tendre mélancolie saupoudré d’humour et de situations cocasses.
Les débuts de Ben comme aide-soignant sont balbutiants, maladroits sous le regard courroucé d’Elsa, la mère de Trev qui s’impatiente. Et contre toute attente, Trev et Ben vont très bien s’entendre et découvrir qu’ils ont des points communs. Chacun a beaucoup à apprendre de l’autre. Ben découvre que la cellule familiale de Trev est compliquée, entre Elsa la mère qui le surprotège et un père qui a fui ses responsabilités mais qui tente avec beaucoup de maladresse de raccrocher les morceaux. Les deux lascars décident d’embrasser la vie en s’aventurant à travers les routes des grands espaces à bord d’un minibus. Le parcours va être jalonné de rencontres avec des personnages loufoques et atypiques, Dot, Peaches, Elton, etc.
Bien sûr on rit beaucoup à suivre les vicissitudes de ce doux rêveur, un brin malchanceux et tiraillé par ce drame de la vie dont il n’est pas parvenu à se remettre. Dans ce roman magnifique sans pathos ni misérabilisme nous suivons avec beaucoup de plaisir le parcours de ces deux personnages plein de générosité, leur amitié qui se dessine au fil des pages, une connivence bienveillante s’installe spontanément. On est touché par l’abnégation de Ben qui décide de relever la tête et de tout faire pour aider son prochain, Trev le premier, puis tous ces drôles d’individus qui vont parsemer leur chemin. C’est peut être le prix à payer pour se redresser, devenir un autre homme et enfin trouver le repos et tenter d’apaiser son âme.
Les fondamentaux de l’aide à la personne revus et corrigés de Jonathan Evinson, traduit de l’anglais par Marie-Odile Fortier-Masek, Editions Monsieur Toussaint Louverture, Avril 2016