Toutes les semaines jusqu’au 18 juillet, retrouvez une sélection hebdomadaire de conseils de lecture pour vous accompagner cet été.
[mks_icon icon= »fa-sun-o » color= »#E96F18″ type= »fa »] Le choix de GringoPimento
[dropcap]D[/dropcap]u sang, des blessures, des têtes qui éclatent, une longue fuite à travers des ruines encore fumantes, envahies par des soldats ennemis, parcourues par des hommes irradiés qui se sont échappés de la zone rouge. Presque deux cents pages de souffrance mêlées à une espérance chevillée au corps qui refuse de s’éteindre.
Aux Éditions Actes Sud, les titres de la collection Exofictions ne poussent pas souvent à l’optimisme, c’est un euphémisme. La Guerre après la dernière guerre le confirme une fois de plus.
C’est un long cauchemar halluciné qui nous mène à la catastrophe d’une guerre nucléaire entre Russie et États-Unis. Un jeune adolescent voit son abri détruit, ses amis disparus. Quelques heures auparavant, il a trouvé, par hasard, un soldat américain en mauvaise posture. Sa souffrance lui dicte de se venger.
Comment ces deux-là vont-ils pouvoir s’apprivoiser ?
C’est le récit que nous lisons.
Une petite part d’humanité et d’espoir subsiste, petit feu dans la nuit si nous voulons faire référence à La Route de Cormac McCarthy dont Benedek Totth semble s’inspirer.
S’il n’a pas encore le souffle ou le talent de l’écrivain américain, La Guerre après la dernière guerre peut se voir comme un excellent roman de genre et il remplit parfaitement voire plus son cahier des charges !
La Guerre après la dernière guerre de Benedek Totth
traduit du hongrois par Natalia Zaremba-Huzsvai et Charles Zaremba
Actes Sud, collection Exofictions, octobre 2019
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[mks_icon icon= »fa-sun-o » color= »#800080″ type= »fa »] Le choix d’Adrien
[dropcap]P[/dropcap]our continuer à lire, j’ai eu envie d’une biographie. Pas n’importe quelle biographie, celle d’un homme hors norme autant physiquement qu’intellectuellement. Avec Bakounine, La vie d’un révolutionnaire de Hanns-Erich Kaminski, j’abreuvais ma curiosité politique et historique et remplissais mes journées d’une autre vie que la mienne.
Deux choses me fascinaient dans cet ouvrage paru à La Petite Vermillon (la collection poche des éditions de La Table Ronde) : l’auteur et l’homme évoqué. L’auteur est un personnage méconnu. Né en Prusse-Orientale, Kaminski est un anarchiste libertaire qui consacra sa vie à l’écriture et à la lutte. Il fuit l’Allemagne nazie pour s’installer en France. Il publie en 1938 un pamphlet contre Céline qui débutait à l’époque sa carrière d’antisémite. Il part en Espagne pour raconter dans Ceux de Barcelone la révolution anarchiste de 1936 et ensuite, en 1940, veut s’enfuir en Argentine.
C’est tout ce que l’on sait de cet homme qui continue toujours à me fasciner. Un jour, je commencerai des recherches pour en savoir plus sur cet illustre inconnu.
La figure de Bakounine m’est plus familière, liée à mon adolescence et à mes cours de philosophie au lycée. Mon professeur de philosophie lui ressemblait beaucoup : grand, costaud et barbu. C’est d’ailleurs lui qui me mit entre les mains un ouvrage de Bakounine issu de sa bibliothèque personnelle. C’était bien entendu dans un but pédagogique et non d’endoctrinement, j’étais à l’époque irrécupérable, comme maintenant. Donc ce Bakounine par Kaminski avait tout pour me plaire. J’ai découvert à travers une écriture exaltée la vie de ce pilier de l’anarchisme.
Mikhaïl Bakounine naît en 1814 d’un milieu aristocratique dans la Russie tsariste. Il part étudier à Berlin, déjà passionné de philosophie et de liberté. Il ne devient anarchiste que bien plus tard en apprenant et en pratiquant. Il traverse toute l’Europe pour se forger une solide culture politique. Il sera emprisonné par le Tsar Nicolas Ier puis exilé en Sibérie. Il s’en échappe en traversant le monde.
Il ne connait que des échecs mais crée l’anarchisme révolutionnaire comme mouvement politique. Sa vie n’est absolument pas résumable en quelques lignes et ce qui précède n’est qu’une modeste tentative pour faire ressentir cette vie trépidante.
Ce colosse traversa le XIXe siècle en y laissant un parfum de soufre propre à soulever les foules. Sa motivation à réveiller les peuples opprimés ne fut jamais couronnée de succès mais il réussit tout de même à faire perdurer sa pensée dans l’esprit de futurs anarchistes radicaux.
On sent que Hanns-Erich Kaminski éprouve une grande tendresse vis-à-vis de cet ogre. Mais il ne fait pas qu’un éloge du personnage, il parle aussi de ses défauts. Le biographe semble nous dire que si Bakounine était voué à l’exil et à l’échec, c’était par idéal révolutionnaire.
Au vu de la vie mouvementée décrite dans cette biographie, on comprend que l’anarchiste ne fut jamais tranquille mais instilla un espoir salutaire chez ses pairs et successeurs.
Bakounine, la vie d’un révolutionnaire de Hanns-Erich Kaminski
La Table Ronde, Septembre 2017
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[mks_icon icon= »fa-sun-o » color= »#3366ff » type= »fa »] Le choix de GringoPimento
[dropcap]U[/dropcap]n pavé ! Pour son premier roman Jean-Luc Deparis nous offre quasiment 600 pages dans la collection Exofictions qui a déjà à son palmarès de sacrés titres et qui s’ouvre aujourd’hui à la fantasy.
Dès les premières pages on entre dans un monde qui nous tient en haleine. Inspiré de Tolkien ou encore de Game of thrones, Jean-Luc Deparis déploie un univers unique et foisonnant, teinté à la fois d’aventures et de mysticisme.
Sur ce monde irréel, règne la déesse Isidis. Une puissante église fait respecter ses préceptes grâce aux moines soldats qui défendent également les cités contre les invasions.
Elyz-Ana, l’héroïne, a la peau sombre et les cheveux blonds-blancs. Descendrait-elle des Shaël-Faars, ces êtres dont les évêques de l’Église ont une peur terrible, au point de vouloir cacher leur existence au monde ?
Dès sa jeunesse Elyz-Ana va être poursuivie. Elle va mener une quête qui fera d’elle la légende de Sandremonde.
Des personnages puissamment campés, des intrigues politiques et religieuses, une nouvelle religion avec des croyances en la déesse de la consolation qui s’élèvent contre l’Église et ses moines soldats, vous trouverez tout cela dans Sandremonde. Des inventions et idées également telles ces clés tatouées sur les poitrines et qui permettent de rentrer dans un fief ou encore cet entre-monde que doit traverser Elyz-Ana au cours d’un épisode mémorable.
Oui, un pavé, avec parfois quelques longueurs, quelques maladresses (ce langage inventé systématiquement suivi de sa traduction était-il vraiment utile ?) mais au final, on ne retient vraiment qu’un grand plaisir de lecture. Dans le genre et peut-être même au delà de cette classification de nos livres, Sandremonde est une sacrée réussite !
Sandremonde de Jean-Luc Deparis
Actes Sud, collection Exofictions, février 2020