[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#698fb5″]P[/mks_dropcap]eut-être n’avez-vous pas vu passer ces dernières années le discret Valerio Varesi et son décalé commissaire Soneri. C’est dommage, mais totalement rattrapable.
Après Le Fleuve des Brumes et La Pension de la Via Saffi, Valerio Varesi envoie notre italien taciturne préféré dans les Apennins. Et bien que la raison première de son voyage soit le repos et la cueillette des champignons, Soneri ne va pas résister à la tentation de mener l’enquête lorsqu’un notable de la ville disparaît dans de mystérieuses conditions.
C’est avec un plaisir toujours intact que l’on plonge dans cette enquête qui n’est finalement que le prétexte pour nous faire voyager, découvrir un territoire presque sauvage, des traditions millénaires et des générations marquées par la rudesse des montagnes.
On arpente avec Soneri ces vallées ombragées, humides à l’entrée dans l’hiver, on hume l’odeur de la mousse. Et les bruits si naturels dans les bois se teintent petit à petit d’une dimension angoissante, de pas étouffés, de tirs de fusils meurtrissant les arbres mais aussi les hommes. Entre les locaux, les illégaux cachés dans les montagnes, trafiquant, attendant des papiers, ceux que seule la neige poussera à sortir, tous les possibles sont réunis et la vérité se terre sous les roches glissantes.
Mais lentement, doucement, Soneri prend le temps de sonder ces ombres de Montelupo autant que l’âme des hommes. La résolution de l’affaire semble moins lui importer que les motifs, les liens étroits et parfois amers que les gens entretiennent entre eux de génération en génération et qui souvent mènent au drame.
Observateur, réfléchi, comme évoluant avec une seconde de décalage par rapport au monde, il n’a rien à voir avec les super-héros gonflés d’adrénaline et de stéroïdes. C’est un homme nourri d’amour pour sa terre natale, mais également de nostalgie pour ces temps passés et cette impression d’être étranger dans son propre village. Ces vacances, pourtant peu reposantes, sont pour lui l’occasion de se pencher sur son passé, ses origines, les vies de ses ancêtres qui imperceptiblement ont tissé la sienne.
Roman policier pour la forme, récit de voyage autant dans des lieux que dans le cœur des hommes pour le fond, Les Ombres de Montelupo rendent un hommage pudique et délicat à ces enclaves rurales de l’Italie, ces petits recoins de montagne où le temps semble s’être arrêté, où les photographies jaunissent mais où chaque ride porte en elle le souvenir d’une fête, d’un mariage, de la guerre ou d’une trahison.
On savoure la balade et l’on respire l’air des sommets en compagnie d’un commissaire à nul autre pareil, dont le regard affûté embrasse à la fois les drames infimes qui marquent pour toujours et les bons coins à champignons.