[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#709045″]Ç[/mks_dropcap]a se lit comme un roman d’aventure, épique et romanesque. BD portée par le dessin humaniste et la patte aquarelliste de Jean-Denis Pendanx, « Les oubliés de Prémontré » donne à voir la survie de 1 300 malades mentaux, abandonnés à l’été 1914. Y campe une étonnante galerie de personnages, errant au milieu d’une dramaturgie soigneusement mise en récit par Stéphane Piatzszek.
Comme dans toute guerre ou situation extrême, il est des hommes et des femmes qui se révèlent faibles et lâches quand d’autres font preuve de courage et d’abnégation. Ainsi donc, quand le directeur de l’asile de Prémontré (à côté de Soisson) choisit de se faire la malle dès que l’armée prussienne fait route vers Paris, l’économe André Letombe décide au contraire de rester à son poste. Aux prises avec les fous, les agités et autres zinzins, il est aidé de quelques gardiens et religieuses. Grâce à lui, Prémontré va tenir debout, presque jusqu’au bout.
Pour autant, ce ne sera pas facile tous les jours ! C’est que la folie des hommes sait prendre plusieurs travers. Tandis qu’on meurt sur la ligne de front, le malade Welmotte, par exemple, n’a rien trouvé de mieux que de s’échapper en grimpant sur un toit. Letombe utilisera les grands moyens pour le faire redescendre. Berthier, de son côté, est interné peu après le début de la guerre, mais il en a déjà trop vu. C’est donc un miraculé de l’armée. Mais à quel prix…
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La vie à Prémontré est hors-norme et les petits tableaux dessinés par Pendanx nous y plongent de manière très réaliste. Les paysages de désolation succèdent aux scènes de tension. Au cours de l’hiver 1916-1917, le froid est vif. Et les vivres manquent. À tel point qu’un accord sera passé avec les paysans des alentours pour faire travailler les malades dans les champs en échange de nourriture.
Dans ce chaos, il y a toutes celles et tous ceux qui cachent leur jeu ou tentent d’échapper à la fatalité de leur destin : le gardien Loisel, le commandant Huebner, la mère principale et les sœurs de la Charité… Et puis enfin, au milieu de cet enfer, se trouve le jeune Clément, fil rouge de l’histoire, dont le charme, l’audace et la quête mystérieuse apportent à la bande-dessinée une indéniable touche de romanesque.
Un bombardement, un bal et des blessés plus tard, nous ne pouvons que rester sensibles à la lecture de cet ouvrage de plus de 100 pages, inspiré d’une histoire vraie.
Un joli coup pour Pendanx (« Jeronimus« , « Au bout du fleuve« , Futuropolis) et Piatzszek (« L’île des justes« , Glénat ; « Commandant Achab« , éditions Quadrants). D’autant que le tandem avait déjà convaincu en co-signant « Tsunami » (Futuropolis), en 2014. Il se met aujourd’hui au service d’une fiction efficace sur fond de première guerre mondiale. Un beau récit, fait de folie et de fureur.
Superbe BD – je la conseille fortement