[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]L[/mks_dropcap]es éditions Allia publient en cette rentrée de janvier un texte de Sébastian Salazar Bondy qui s’inscrit dans une littérature plaçant la ville en personnage principal. Mais contrairement à Julien Gracq et Nantes, Bondy parle ici de Lima comme le symbole d’une mystification de l’histoire du Pérou. Cette ville que l’on voudrait voir comme le joyau de l’Amérique hispanique fait l’objet d’un pamphlet où tout ce qui constitue son essence (urbanisme, habitants, histoire) est violemment attaqué.
Sébastian Salazar Bondy ne fait pas dans l’exotisme. Au contraire, il nous dit à quel point l’histoire d’une ville ayant totalement assimilé l’héritage colonial est factice, construite de toute pièce par la classe dirigeante. Dans les mots parfois acides de l’auteur péruvien, tout semble être fait à Lima pour bercer ses habitants avec l’illusion d’une tradition et dans un présent qui n’avance pas. La ville est construite par et pour les classes dirigeantes, ayant la main mise sur les plus pauvres et empêchant les liméniens et liméniennes de voir autrement leur histoire. Ici, l’urbanisme semble être l’outil le plus efficace pour la répression et la domination.
La lecture contemporaine de ce texte datant de 1964 permet d’imaginer un écho à l’urbanisme actuel. On pense évidemment à toutes les stratégies pour débarrasser les centres-villes de la pauvreté. Si nous gardons en tête cet essai brillant et virulent, nous pourrions y voir la continuité d’un urbanisme comme domination, produisant le mensonge de villes créées pour rassembler. Avec radicalité, lire aujourd’hui Lima l’horrible peut produire en nous un sentiment de révolte et une volonté de réappropriation de nos territoires communs. Le livre terminé, il reste notre envie d’agir et de reprendre en main ces villes créées pour enrichir quelques-uns et exclure les plus pauvres.