[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]C[/mks_dropcap]omment ça un album de covers ? Et pourquoi pas une compile, un best-of, tant qu’on y est ? Je me vois dans l’obligation de faire une entorse à mon vieux principe qui affirme qu’un album de reprises ne mérite guère, au mieux, qu’une écoute légère entre mépris profond et désespoir auditif, la musique, c’est sérieux !
Oui, mais voilà, quand c’est Luna, qui s’y colle, on s’arrête, on écoute et on applaudit.
Je me doute que certains d’entre vous s’interrogent sur le pourquoi du comment, Luna conjuguant talent et discrétion depuis de nombreuses années, sans que le commun des mortel ne se soit penché sur leur cas. Pourtant, Dean Wareham et consorts ont quelques disques magnifiques dans leur valise, il serait temps de rattraper cette incongruité !
Avant Luna, Dean Wareham, né en Nouvelle Zélande en 1963, élevé à New York a été l’un des leaders des fabuleux Galaxie 500, trio bostonien, actif 4 ans uniquement mais qui laisseront derrière eux une discographie aussi courte qu’indispensable.
Today, On Fire et This is Our Music font partie des plus beaux disques de la fin des années 80, début 90, période riche s’il en est. Dean et ses deux comparses Naomi Yang et Damon Krukowski attaquent le Velvet par sa version la plus pastorale et croisent le meilleur de la pop néo-zélandaise avec les guitares de My Bloody Valentine. Le petit Dean démontre déjà son talent pour les reprises avec quelques versions magnifiques de chansons de Jonathan Richman, de Joy Division ou encore le Velvet underground bien sûr.
Après leur séparation au printemps 1991, Damon et Naomi poursuivent leur aventure sous le nom de… Damon & Naomi pour quelques jolis disques de slowcore dont le petit dernier, Fortune, est sorti en 2015. On peut également les retrouver derrière Wayne Rogers au sein de Magic Hour, au milieu des années 90.
Dean Wareham fonde de son côté Luna en compagnie de Stanley Demeski, batteur chez les Feelies et Justin Harwood, bassiste chez The Chills, soit le rêve absolu pour tout jeune fan de rock indé dans les années 90.
Dean est vraiment le boss de ce groupe qui connaîtra de nombreux changements de line-up; on mettra en lumière bien sûr l’arrivée de la chanteuse de Belltower, à savoir Britta Phillips.
Dean et Britta forment un couple sur scène comme à la ville et sortent quelques disques sous leur nom, dont le merveilleux L’Avventura en 2003.
Le groupe sort Lunapark, son premier disque en 1992 et enchaîne les albums tous les 2 ans ou presque dont le fabuleux Penthouse en 1995, leur sommet jusqu’à aujourd’hui. Rendezvous en 2004 marque la rupture. Suit une longue absence qui prend fin avec A Sentimental Education et A Place Of Greater Safety l’EP 6 morceaux instrumentaux qui l’accompagne.
Les 10 musiciens ou groupes repris par Luna ont tous collaboré avec Dean Wareham soit en tournée soit en studio, ce qui prouve quand même l’importance et l’influence de ce dernier depuis plus de 20 ans maintenant.
Le casting est en effet royal, quelques évidences, quelques contemporains et d’autres artistes plus rares voire même surprenants. Luna nous l’avait déjà prouvé en reprenant le Sweet Child’O Mine des Guns & Roses, n’importe quelle chanson devient leur et semble se transformer en composition originale.
Luna évite les facilités et s’attache à des chansons, certes magnifiques mais pas parmi les plus connues du répertoire de leurs héros. Ainsi, le Velvet, qu’ils accompagnèrent lors de leur reformation en 1993 est abordé par Friends, un morceau de Squeeze, l’album maudit de Doug Yule, joli pied de nez à leur référence majeure. L’ombre des new-yorkais plane également sur la magnifique Gin, reprise de Willie Alexander, l’éphémère remplaçant de Sterling Morrison.
De même, ils vont chercher Bob Dylan via Most Of The Time (la plus belle du lot selon moi) issu de Oh Mercy, ou bien encore les Stones en piochant (Walking Thru’ The) Sleepy City dans Metamorphosis.
David Bowie (Letter To Hermione), The Cure (splendide Fire In Cairo) ont également droit à leurs jolies versions, portées par la voix douce et éraillée de Dean, qui atteint des sommets sur le fabuleux Car Wash Hair des Mercury Rev pour clôturer en beauté cette éducation sentimentale.
Et quitte à nous éduquer, Luna nous ramène à l’esprit quelques artistes un peu oubliés tel Mink DeVille ou Peter Green et son Fleetwood Mac des débuts. Il réussit même à nous donner envie d’aller écouter Sweetness, en version d’origine même si le groupe en question s’appelle Yes !
A Sentimental Education et son complément, le charmant EP A Place Of Greater Safety ont été financé via la plateforme de Crowfunding Pledge Music et est disponible depuis le 22 septembre sur le propre label de Dean Wareham Double Feature.