[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#1e73be »]E[/mks_dropcap]n 2015, Jean Philippe Toussaint était de retour avec un nouveau livre après la quadrilogie MMMM, sa grande œuvre qui avait emmené le lecteur sur les traces de Marie, couturière et styliste. Le petit récit Football était le maillon pour reprendre contact avec l’écriture. Made in China semble être le livre qui va permettre le retour de la fiction dans son travail.
Ce livre est le récit de la relation de Jean Philippe Toussaint avec Chen Tong, son éditeur Chinois, et celui de la réalisation de l’adaptation en vidéo du prologue de Nue, c’est-à-dire du défilé d’un mannequin féminin en « robe de miel » suivi d’un essaim d’abeilles.
L’écrivain raconte ici son rapport à la Chine mais surtout à Chen Tong devenant à travers ce livre un personnage fictif. « Mais même si c’est le réel que je romance, il est indéniable que je romance » dit Toussaint sur la quatrième de couverture. Le réel qu’il nous raconte est celui du quotidien, du détail infime se dévoilant en éléments fictionnels. Le travail est explicitement décrit. Mais on ne peut distinguer ce qui est fictif de ce qui ne l’est pas.
L’auteur ouvre à travers ce livre son atelier de création. Il décrit à plusieurs reprises comment s’accomplit l’écriture. Entre des séquences de trajets en voiture et des repas avec les assistants de Chen Tong, il nous raconte également son rapport à la Chine et ses voyages précédents dans ce pays. Un passage du livre sème le trouble chez le lecteur : des motos vrombissant dans Guangzhou (ville Chinoise où l’on se trouve) puis par renversement chez Jean Philippe Toussaint en train d’écrire ce passage, en Corse. Ce rapport entre l’exposition totale du réel et de la fabrication du fictif produit un effet de labyrinthe dans lequel on se perd les yeux grands ouverts.
Grands ouverts, puisque l’écriture de Jean Philippe Toussaint depuis son premier livre est créatrice d’images souvent marquantes. Comme celle d’un cheval devenu fou sur une piste d’aéroport dans La vérité sur Marie ou un tremblement de terre ressenti dans une tour de la ville de Tokyo dans Faire l’amour. Dans Made in China, on voit à travers les mots ces mégalopoles chinoises qui se sont développées à grande vitesse.
Les yeux écarquillés, on assiste finalement à la construction d’un film, l’adaptation d’une image d’un précédent livre. L’écriture, autre fabrication visuelle, nous perd entre ce qui est réel et ce qui ne l’est pas. Ce livre est le témoin de la force de la littérature à créer une superposition du réel et de la fiction, l’une des grandes potentialités de l’imaginaire.
Made in China de Jean Philippe Toussaint
paru aux éditions de Minuit, septembre 2017.