A la tête d’une mécanique implacable, Woody Allen semble échapper à la fuite du temps en répétant un film unique décliné tous les automnes.
Ce qui constitue son système peut autant irriter que séduire. Depuis de nombreuses années, sa fascination pour les riches oisifs tourne à l’obsession : ici, c’est la haute société anglo-saxonne dans de luxuriantes villas du sud de la France qui sert de prétexte. De la même manière, l’exploration d’une période antérieure, ici la fin des années 20 est l’occasion d’une reconstitution précise et plaisante, mais qui achève aussi, après Midnight in Paris, de muséifier son cinéma où les figures de cire se succèdent.
Woody Allen a beau recourir à une nouvelle garde, personne n’est dupe quant à la réécriture des thèmes ancestraux de son autoportrait. Firth s’en sort plutôt bien, même si son personnage (comme bien des précédents) est assez sur-écrit. Face à lui, la mignonne nouvelle égérie use comme il faut de ses grands yeux et de son sourire taquin, assortis à une garde-robe du plus bel effet.
Autre thème mainte fois évoqué chez Allen, la magie prend ici une tournure peut-être un peu plus intéressante, car moins fantaisiste. Toute la question tourne autour de la croyance et de la possibilité d’un élan qui donnerait du sens à une vie qui en est a priori dépourvue. Face au cynisme pessimiste de l’auteur, les petites fulgurances de l’amour, les mystères indicibles de la passion sont mêlés aux thématiques de l’illusionnisme. De l’utilité du mensonge et des illusions pour rendre plus supportable l’existence, jusqu’aux rivages incertains de la foi…
Tout cela est charmant, déployé avec le sens de la réplique et des situations auquel nous a habitués le cinéaste. On ne peut cependant s’empêcher de s’ennuyer poliment face aux redondances des échanges, surlignées un peu grossièrement, et un scénario bien clairet et sans surprise.
Toujours aussi décomplexé et nonchalant, Allen livre une mise en abyme transparente : faire des films est sa thérapie, et la magie du cinéma, lui permettant de voyager dans le temps et de rester le même à travers des interprètes encore fringants conjure ses angoisses par un mensonge glamour et chatoyant.
…Woody Allen qui écrivait, il y a fort longtemps « L’éternité, c’est long, surtout vers la fin » : un sentiment qui s’applique bien à sa filmographie.