[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#73bfba »]C[/mks_dropcap]’est sans doute le livre le plus personnel de la part de Léonor de Récondo qui nous a toujours habitués jusqu’à présent à des textes littéraires donnant toute la place à la fiction. Or, ici, nous sommes dans un récit cathartique auréolé de beaucoup de pudeur et de subtilité. Dans cet ouvrage intitulé Manifesto, Léonor de Récondo évoque la figure de son père qui est sur le point de pousser son dernier souffle et elle est là avec sa mère, présentes toutes les deux à son chevet pour l’accompagner.
Deux récits vont s’entremêler, celui d’un dialogue imaginaire du père de l’auteure avec Ernest Hemingway au moment où se dernier s’était immergé dans l’Espagne, de sa culture avec la corrida, et de sa guerre en s’enrôlant dans la guerre civile de 36. Le père de Léonor de Récondo est un immigré espagnol, il s’adresse à l’illustre écrivain américain qu’il n’a pas connu, l’apostrophant et lui parlant de son passé. L’autre récit est celui de l’auteure qui se trouve à l’hôpital dans l’unité de soins palliatifs. Elle décrit les dernières heures, éprouvantes émotionnellement, mais pour rien au monde elle ne manquerait ce moment auprès de son père. Elle prend le temps alors de brosser le portrait d’une mythologie familiale funeste, de personnes trop tôt parties et le sentiment de se sentir seule et de porter l’héritage sur ses frêles épaules.
L’un des plus beaux passages, et il y en a tant, de ce livre riche et juste, est celui avec l’infirmière qui a fini son service et va se retirer, les yeux embrumés car elle sait qu’elle ne verra sans doute plus son patient et qu’elle est obligée de quitter les deux femmes, un moment profondément humain, plein d’empathie.
Tout est juste, millimétré, dans ce récit, une douceur sensible, pas d’éléments superficiels pour faire pleurer le lecteur. Nous ne sommes pas dans un récit démonstratif et ostentatoire succombant à la surenchère émotionnelle avec des descriptions personnelles de mauvais aloi. Léonor de Récondo maîtrise son texte comme une partition et prend des étapes et des pauses introspectives, une marche parfois dure mais sereine vers le deuil en accompagnant son père dans les derniers instants de sa vie. On sent l’amour qu’elle porte à un homme profondément bon et aimé, peut être un peu taiseux qui est en contrepoint avec l’homme qui s’adresse à l’auteur américain et qui se dévoile sur son destin. Il n’y a pas un mot de trop, tout est sa place, faisant ressurgir sur le lecteur sa propre mise au point sur cette situation d’être sur le point de voir partir un être tant aimé.