Lorsque l’antiquaire Fisbein est assassiné, Carlos Mariscoll contacte Mariani et lui annonce que les pièces rares qu’il avait confiées à son défunt confrère ont disparu. Il souhaite les récupérer sans faire intervenir la police, ayant acheté la collection à des nazis qui l’avaient eux-mêmes volée. Au gré de cette enquête dans l’univers des numismates et antiquaires argentins, où règnent les escrocs et les maîtres chanteurs, le détective interroge journalistes, collectionneurs et policiers, sans jamais savoir qui ment et qui dit la vérité, au moins partiellement. Il croise aussi l’inévitable femme fatale, en la personne de la mystérieuse Francesca.
Mariani vit avec ses deux vieilles tantes, dont il prend soin depuis la mort de sa mère. Lorsqu’il veut se déplacer, il emprunte des voitures à son ami Demarchi, garagiste romantique en mal d’amour, et peut parler de tango pendant des heures. C’est un personnage particulièrement attachant, dont on ne sait pas grand-chose, Martin Malharro ayant visiblement pris le parti de se concentrer sur la progression d’une bonne intrigue plutôt que de plonger le lecteur dans les méandres du cerveau de ce détective atypique. La description des paysages urbains, que l’on trouve régulièrement à la fin des chapitres, est en outre d’une grande beauté, les lieux apparaissant sous un ciel et des lumières changeants, reflets de l’humeur plus ou moins mélancolique de Mariani.
Avec son style direct, son écriture soignée, tout en retenue, et son refus délibéré de recourir aux coups de théâtre et aux rebondissements spectaculaires, ainsi qu’aux poncifs du genre, Martin Malharro a produit un roman noir singulier, d’une facture faussement classique, qui débute par une astucieuse mise en abîme et que l’on peut voir comme un hommage magnifique à tous les perdants de l’ombre. Calibre 45 se démarque donc habilement de ses homologues, pour le plus grand plaisir des lecteurs.
La Dernière Goutte est un éditeur strasbourgeois extrêmement intéressant, qui nous a maintes fois surpris, que ce soit par de subtils romans de littérature générale, comme Les Enfants disparaissent, de Gabriel Bañez ou Le Collectionneur d’oreilles, d’Esteban Bedoya, mais aussi par des romans noirs étonnants, tels que le brillant Thèse sur un homicide, de Diego Paszkowski. La publication de Calibre 45 nous a fourni l’occasion de vérifier que tout le bien que nous avions pensé des livres précédents n’était pas infondé. Ceux qui ne connaissent pas encore la collection Fonds noirs devraient s’y plonger dès que possible – conseil d’ami.
Martin Malharro, Calibre 45, traduit de l’espagnol par Delphine Valentin, La Dernière Goutte, octobre 2014