[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#595478″]M[/mks_dropcap]etronomy vient de sortir son sixième album, Metronomy Forever. Comme à son habitude, Joseph Mount, la tête pensante du groupe, ne s’est pas reposé sur ses lauriers. Même si l’on retrouve son style d’écriture si particulier le disque risque de surprendre par la diversité de ses 17 titres. Une fois l’effet de surprise passé, Metronomy Forever devient vite addictif. Il s’inscrit même parmi les meilleures productions du groupe. Joseph Mount nous a accordé un entretien autour de ce nouvel opus. S’il n’hésite pas à parler d’une première version rejetée de l’album, il revient sur les débuts du groupe, et nous explique pourquoi Metronomy Forever a été conçu comme une playlist.
En dehors de Metronomy Forever, quel est ton album préféré du groupe ?
Joseph Mount : A chaque fois que je sors un disque, il devient la chose la plus importante pour moi. En ce sens, Metronomy Forever est le disque dont je suis le plus fier. Si je dois en faire abstraction, je te dirais Love Letters pour des raisons très personnelles. Ce n’était pas un disque auquel les gens s’attendaient. J’adore comment il sonne. Il est unique. Au niveau commercial ce serait plutôt The English Riviera. Plus tu avances dans ta carrière, et plus il est difficile de juger ton travail passé. Robert Plant n’hésite pas à dire qu’il trouve sa période Led Zeppelin embarrassante. Je le comprends volontiers. J’arrive à un âge et à un stade de ma carrière où chaque album pourrait correspondre à un journal intime dont certaines pages sont embarrassantes.
Si Love Letters était un disque auquel les gens ne s’attendaient pas, il risque d’en être de même pour ce nouvel album qui est très varié.
JM : Effectivement (rires). Mais ça ne m’inquiète pas. Si tu aimes la routine, mieux vaut arrêter de faire de la musique. Une chanson doit créer des émotions avec des sons intéressants. Les réactions vont du rejet à l’envie de danser. L’autre jour on écoutait Kraftwerk à la maison avec les enfants. L’un d’entre eux a adoré The Robots. Ce titre l’a rendu fou. L’autre a paniqué en écoutant The Model (rires). La musique est si puissante qu’elle arrive à créer de la peur ! Je pense que si tu es un fan de Metronomy de longue date, tu aimes être surpris. Metronomy Forever a un bon potentiel pour apporter de bonnes surprises. C’était mon but initial.
Les remixes que tu fais sous le nom de Metronomy ont toujours été d’une qualité impressionnante. Pourquoi en faire moins aujourd’hui ?
JM : Mon approche de la musique était différente aux débuts du groupe. C’est pourquoi j’en faisais beaucoup. Ils m’ont appris à structurer une chanson. J’aime toujours l’exercice et je m’y prête encore à l’occasion. J’ai besoin de ne rien avoir en tête et d’y consacrer le temps qu’il faut. Ce n’est pas facile d’évacuer la pression liée à la carrière de Metronomy. C’est pourquoi j’en réalise moins qu’avant. Récemment j’ai remixé Ellie Goulding et Cassius. Cette fois-ci ce n’était plus du bricolage. J’avais un bon ordinateur et des tonnes de logiciels. Depuis la tragique disparition de Philippe Zdar, j’ai beaucoup repensé à mon remix de Cassius. C’est devenu un ami. Tout est parti d’un coup de fil de sa part, pour me dire qu’il voulait remixer un titre de Metronomy. On s’était promis que j’allais en faire de même pour Cassius. J’ai fini par le réaliser. Ça me travaille énormément car je regrette de ne pas avoir signé un remix qui leur aurait mieux correspondu. Je pars toujours du principe qu’un remix doit tout changer par rapport à la version originale. J’y prends un grand plaisir.
Tu sembles maintenant préférer utiliser ton temps libre en tant que producteur plutôt que remixeur. Tu as travaillé sur des titres pour Robyn ou bien Jessie Ware.
JM : Quand je faisais des remixes, je les abordais sous l’angle d’un producteur. Je ne gardais que les vocaux et je réinventais la chanson. Maintenant je fais la même chose en travaillant directement avec les artistes, mais en tant que réel producteur.
Depuis les débuts du groupe ta voix semble être utilisée comme un instrument à part entière. Pourrais-tu nous dire pourquoi ?
JM : Il y a un peu de ça, effectivement. C’est surtout parce qu’à mes débuts je manquais de confiance en mon chant. Je n’ai jamais choisi un style de chant particulier comme le font d’autres artistes. Je ne l’ai réalisé que sur le tard. Du moment que je ne copie pas honteusement un autre chanteur, j’ai l’impression de ne pas avoir de limite, qu’il n’y a pas de règle. Mais je ne considère pas ma voix suffisamment bonne pour l’assimiler à un instrument.
On sent parfois que cet album plus apaisé que les autres, comme si tu avais cherché à aller à l’essentiel. Y-a- t-il une volonté derrière cela ?
JM : J’ai cherché à créer une humeur générale fidèle à ce que je suis vraiment. L’atmosphère est contrôlée mais sans chercher à trop l’analyser. J’ai effectivement voulu aller à l’essentiel. Certains titres sont minimalistes. Par exemple je n’ai utilisé qu’une seule boîte à rythme pour l’album. D’autres sont plus pop ou atmosphériques. Cela correspond à des besoins physiques simples d’écrire une chanson avec mon humeur du moment. La première fois que j’ai écouté ces nouveaux titres à la suite, je trouvais l’ensemble cohérent même si au premier abord j’avais peur que ce soit décousu.
Alors que tu étais en plein travail sur Metronomy Forever, tu as dit vouloir essayer de te mettre dans la tête d’un ado qui écoute de la musique sur des playlists. Tu voulais que les chansons puissent être écoutées de manière passive sans que l’on ait trop à y réfléchir. Penses-tu y être arrivé ?
JM : Je pense que oui. Cela n’empêche pas d’y prêter une écoute attentive. Il faut juste accepter que la majorité des gens ne vont pas s’asseoir et écouter le disque dans son intégralité. Les habitudes ont changé. Si moi-même je ne prête pas une écoute attentive aux chansons de certains artistes, je ne peux exiger que les gens procèdent différemment avec ma musique. J’aime bien l’idée que Metronomy Forever soit considéré comme une playlist en fond sonore. Il n’y a que quand tu es jeune que tu as le temps de réellement apprécier la musique. C’est une période de ta vie où tu n’as aucune responsabilité et beaucoup de temps. C’est à ce moment précis qu’un disque peut changer ta vie.
Ta maison de disques ne semblait pas vraiment satisfaite de la première version de l’album que tu leur a envoyé. Quelle est la différence entre ce premier jet et la version finale ?
JM : Ce n’est pas vraiment qu’ils n’étaient pas satisfaits. Ils n’ont jamais employé ce terme. Je n’ai pas eu de retour comme quoi ils trouvaient le disque super, mais plutôt un long silence de leur part. C’est quelque chose que je conçois. Du coup j’ai énormément réfléchi à ce que j’essayais de faire initialement. J’ai pris conscience qu’il fallait que j’améliore une partie du travail. La première version était un album plutôt pop qui comprenait déjà Salted Caramel Ice Cream et Lately. Avec le recul, je considère ce premier jet comme un disque sans grosse prise de risques. J’ai gardé les singles potentiels, retiré quatre titres que je n’aimais plus trop et je me suis remis au boulot. Si, avec le streaming, les habitudes d’écoutes ne sont plus les mêmes, je trouve qu’il est important pour un artiste de porter une grande attention à la création d’un album. C’est à ce moment-là que j’ai compris que je ne pouvais pas me limiter à dix titres. J’ai composé d’autres morceaux plus abstraits, et au final, j’ai envoyé vingt-quatre titres au label. Ils m’ont répondu immédiatement : “OK, c’est génial, on le sort”. C’était une bonne expérience.
Metronomy Forever a été conçu spécialement pour être joué en concert. En ce sens a t-il été plus collaboratif que les autres ?
JM : Non pas vraiment. Je suis Metronomy. C’est moi qui écris tous les titres. Si je collabore avec d’autres personnes, c’est un autre projet. La seule personne qui est intervenue est Pierre Rousseau de Paradis pour coproduire Lately et Salted Caramel Ice Cream. Nous nous sommes arrêtés là car j’ai réalisé que Metronomy devait se résumer à moi. Par contre l’approche de la scène est très collaborative. Chaque musicien a sa place et son mot à dire. Le succès de Metronomy grandissant, j’ai réalisé qu’il serait mieux que la majorité des titres que je compose puissent être joués en live sans problème. Les chansons de Metronomy Forever sont les plus simples de toute ma carrière à retranscrire sur scène. C’est pourquoi j’ai stoppé l’interaction systématique de plusieurs rythmes dans mes compositions. En vérité je ne l’ai pas fait exprès, c’est juste arrivé comme ça et c’est tant mieux (rires).