[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#e09326″]C[/mks_dropcap]ette expression espagnole créée par Miguel de Cervantes, dans sa nouvelle L’Illustre Laveuse De Vaisselle et légèrement modifiée ici, est une récrimination adressée à qui choisit, pour ne pas savoir en apprécier la valeur, de laisser de côté le meilleur de ce qui lui est offert. Je ne pouvais pas souhaiter meilleure expression pour illustrer ma chronique sur le premier LP de Miel de Montagne, paru le 5 avril chez Pain Surprise Records.
Repéré en début d’année dernière avec son titre entêtant Pourquoi Pas, le premier EP Petit Garçon était venu au printemps confirmer le talent du grand garçon, prénommé Milan. Sa pop slacker, ondoyant entre un Mac de Marco, en plus sucré, et un Connan Mockasin, en moins camé, indiquait déjà fortement le sens de la vague. Chiller au son d’une pop melliflue (j’ai pas pu m’en empêcher j’adore ce mot).
De douceur, d’amour(s) et d’allégresse, il en est question sur cet album bien sûr, mais pas seulement. Sous ces couches de nectar doucereux se cache en effet le flux d’un ru inquiet et perplexe. Loin d’être seulement le freluquet déluré et fendeur qu’il affiche d’être, ses textes révèlent les préoccupations d’un mec en 2019.
Milan n’est Plus Le Même. C’est sur ce message que la balade débute. Le jeune homme a éprouvé précocement une vie à contre-courant de l’atmosphère des chansons qu’il livre sur ce premier LP. Il a vécu le tumulte du DJing en clubs et le chaos d’une vie sur la route.
La sagesse n’attendant pas le nombre des années, il a décidé, avant d’avoir les ailes grillées, de revenir à un rythme de vie plus en accord avec lui. Des platines, il est revenu à la guitare et aux claviers, tout en opérant concrètement un retour à ses origines, qu’il n’avait jamais vraiment abandonnées à vrai dire. La famille, la cambrousse, le calme. Une forme de frugalité qui caractérise bien sa musique.
Je suis l’abeille qui se pose sur ta fleur
Quand tu es mon jardin j’oublie tout
Pour Rien Au Monde en rajoute une couche. Parfait petit slow qui commence tout en synthés et boîte à rythmes, puis débouche sur un solo de guitare qui vient à point pour conclure (le slow), on est à la fois miel et abeille. Au chaud dans la ruche, à l’abri du jardin, c’est un appel à la simplicité. La vie, l’amour, la nature. Pour le moment la balade est bucolique, on se sent léger. Même si une petite pointe d’angoisse se fait sentir dans ce pour rien au monde je ne partirai au bout du monde.
[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#e09326″]O[/mks_dropcap]n reste à l’abri de son petit coin de campagne, mais on n’est pas des sauvages ! Sans partir à l’autre bout de la Terre, on peut néanmoins s’aventurer à se frotter aux « locaux ». Pour cela, l’indispensable Permis B Bébé en poche permet de conduire, voire séduire… si tant est qu’on arrive à (re)trouver ses mots. Groovy à souhait on chaloupe, sur la guitare dès l’intro, à jouer les beaux dans nos cabrios.
C’est ensuite que le miel se gâte.
Dans J’y Peux Rien, le temps passe et les gens se lassent, s’éloignent. Puis on se rend compte qu’on ne connait rien à L’Amour. Quête de toujours, on pense le croiser dans tous les regards, mais on s’en rend compte toujours trop tard. Tous Ces Rêves qu’on avait sont partis avec les wahwah hypnotiques d’une guitare languide. Le rythme de l’album décroit, nos belles illusions aussi. Cette Fille qui jamais ne nous a vu, hante toutes nos nuits.
Simple et léger on avait dit ?
[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#e09326″]M[/mks_dropcap]ême si on retrouve un peu de candeur dans le déjà bien connu Pourquoi Pas, invitation au naturisme spontané déclenché par la vue de l’être aimé, on reste pourtant Fragile dans le cœur face à elle/lui/eux. Le Soleil Danse et l’album se clôt sur une plongée hypnagogique entre onirisme et mélancolie. Toudouuuu toudouuuu toudoudouuuu. Tout doux.
Je ne sais pas si je suis là et pourtant je vous entends
Et je ne sais pas si les gens me voient quand je suis dans les nuages
Doux rêveur, gentil farfelu, Miel De Montagne nous invite à voyager dans son Walhalla et ses wahwahwah. Ce premier LP enjôleur ravira les éternels romantiques, adeptes des amours impossibles et des dragues habiles en automobile. Et comme le miel n’est pas pour la gueule de l’âne, les grincheux n’y verront que frivolité et nigauderie. Tant pis pour eux, la profondeur est sous la couche… de Miel.