[dropcap]J[/dropcap]e pourrais me contenter d’extraire un copier-coller de mes précédentes réflexions concernant Mogwai, vous sortir un chapelet de qualificatifs élogieux tant le parcours des Écossais me semble sans l’ombre d’un reproche. Pour être totalement objectif, après la belle surprise novatrice laissée par l’improbable Rave Tapes, la suite égrainée par Every Country’s Sun avait un peu attiédi ma folle admiration pour la formation post-rock, passée en pilotage automatique et sans vraiment apporter du neuf à leur épaisse combinaison.
Avec du recul, rien de honteux ok… Mais peut-être les prémices d’une altération au niveau de l’inspiration. Depuis 2017, les fans avaient seulement pu se mettre sous la dent la bande originale du film Kin (un exercice imposé dans lequel on doit leur accorder une certaine capacité à sublimer l’image). Les adeptes que nous sommes rêvaient de sentir leurs oreilles bourdonner à nouveau.
Chose faite grâce à un imparable As The Love Continues et ses onze composantes relevant du menu best of. Pour des distractions le plus souvent sans verbe, la matrice ne manque toujours pas de verve. Retour en force et subtilité donc pour le plus grand bonheur des impatients.
Le tout démarre sur la progression de To the Bin My Friend, Tonight We Vacate Earth dont les coups sur la pédale permettent de densifier la matière. La berceuse électrique à haut voltage met en condition la robotisation d’une suite extirpée du sémillant Here We, Here We, Here We Go Forever. Les machines, moteur d’amplification des effets, offrent alors à la ritournelle digitale Dry Fantasy un véritable reflet électronique garni de spirales scintillantes.
Mogwai a retrouvé la clé qui ouvre la porte des superpositions pantagruéliques. L’exercice est périlleux mais les funambules surclassent la concurrence de leur expérience en diffusant un paquet d’humeurs dénotées de mots, affublées de mille artifices tirés de leur colossale boîte à malices.
Exception de taille avec le tube qui vous colle aux basques comme un chewing-gum collé sous la semelle en plein cagnard. Ritchie Sacramento est d’allure plus pop avec son chant perdu sous des diffusions qui s’étalent dans les grandes largeurs. L’alchimie qui s’opère avec le bruissement des guitares est une « petite » victoire contre les analystes peignant la trame par trop de statisme. Loin de cette fausse idée, le groupe bouge, enroule son savoir et le balance à la face de tous afin de nous imposer un indéboulonnable respect.
En un peu plus d’une heure, ce dixième album distille un condensé de rêveries bruitistes, de remontées mécaniques, d’accélérations, de grésillements jouissifs, laissant quelques zones d’attente s’installer avec une franche sérénité, histoire de galvaniser dans la foulée davantage de sismographie. Fuck Off Money sonne alors comme une résurgence de Killing All the Flies (extrait du presque antique Happy Songs for Happy People), sorte de Daft Punk sous hélium dont le déclenchement soudain propulse l’auditoire vers des sommets chargés de décibels exquis.
À la suite, le souffle redouble au travers le rock surpuissant de l’accrocheur Ceiling Granny, titre serti d’un mur de son venu vous alpaguer de sa férocité immédiate (genre de baroufle qui n’est pas sans rappeler le meilleur des mélodies lourdes entendues à la fin des années 90 chez Smashing Pumpkins).
Bref, efficace à souhait !
Mogwai réécrit ici son carnet de route à l’aide de quelques moments précieux s’épanchant sur une traversée nostalgique, le tout agencé sans pour autant oublier d’entrevoir des désirs futuristes. C’est le cas flagrant pour Midnight Flit comme un coup de batte sur le tonneau avec ses débordements chargés de cordes symphoniques et de rugissements anoblis par un crescendo faramineux.
Pat Stains reposera alors les bases d’une assise retrouvée dans les méandres du déjà lointain Come On Die Young, lorsque les soupirs se font plus tendus que les cris. Battements et stridences pourront alors surgir de Supposedly, We Were Nightmares et, pour fermer la marche, It’s What I Want To Do, Mum conviera encore les passagers vers un énième voyage immobile, le visuel fantasmé d’un paysage sous la neige, de fines accélérations pour nous aider à gravir les cimes, un coup de booster convainquant pour un final épique.
Une fois encore, un coup de maîtres !
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As The Love Continues – Mogwai
Rock Action Records / PIAS – 19 février 2021
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Photo : Antony Crook