[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]N[/mks_dropcap]ick Cave est à nos côtés depuis très longtemps. A vrai dire on ne se souvient même plus vraiment quand la magie a opéré tant on a l’impression qu’elle a toujours été là, depuis le début, depuis la découverte de ce chanteur et musicien hors normes. Certes, depuis une quinzaine d’années, sa carrière a évolué, comme beaucoup d’autres avant lui, vers quelque chose de moins surprenant, de plus convenu ou classique, mais où la qualité a rarement fait défaut. Il y eut des disques moins intéressants avant Skeleton Tree, qui se comptent sur deux doigts de la main, sans doute.
Lorsqu’il y a quelques semaines de cela, l’annonce d’un nouvel album, son seizième, fut annoncé, il devenait difficile de rester patient tant celle-ci, à l’instar de ce qu’il avait fait pour Push The Sky Away, était alléchante. Mais difficile aussi de ne pas ressentir une certaine angoisse, car les circonstances particulières – la mort accidentelle de son fils de 15 ans l’année dernière – pèseraient sur l’œuvre.
L’autre particularité, c’est que Skeleton Tree est accompagné d’un film, intitulé One More Time With Feeling. Nick Cave ne voulant faire aucune promotion pour son album, le film est une alternative aux interviews pour se livrer dans un environnement semi-ouvert et dans un cadre bien défini.
Dans ce contexte plus que particulier, comment, en tant que journaliste, blogueur ou auditeur, peut-on ou doit-on appréhender le sujet ? La presse anglaise a résolu le problème. Pour elle, ce disque est un chef d’œuvre absolu. Il n’y a qu’à voir les notes attribuées : le maximum pour The Guardian, le NME, l’Independent et le Telegraph. Jamais de mémoire d’auditeur il ne me semble avoir vu un disque faire l’objet d’un consensus pareil. Et on ne mentionne pas encore les débats houleux sur les réseaux sociaux. Pour les uns Nick Cave est intouchable, pour les autres il est devenu très chiant. Autant dire que le sens de la nuance aura encore bien échappé à la plupart de nos contemporains.
Bien entendu il faut y voir aussi ce que nous, francophones, ne voyons pas toujours : la signification et la profondeur des textes. C’est du moins la seule explication plausible que j’entrevois. Car face à quoi nous retrouvons-nous ici ? Et bien face à un disque extrêmement noir. La création d’un artiste intransigeant qui est confronté à l’indicible horreur, la perte d’un enfant, une chose dont il est absolument impossible de sortir indemne. Mais faut-il pour autant avoir ce qui est probablement une réaction émotionnelle sans doute intense et sincère vis-à- vis d’un artiste intègre ? Mais qui oserait sincèrement dire qu’il s’agisse de son meilleur album ? Ce n’est pas sérieux. Nous nageons clairement dans l’affectivité la plus primaire. Et l’affectivité fausse les données en présence.
Skeleton Tree est un disque douloureux, tant pour l’auteur que pour les auditeurs. Ce disque n’est pas mauvais, mais on est loin des standards auxquels il nous a habitué durant une bonne partie de sa carrière. Ce Skeleton Tree ne soutient pas la comparaison qualitative face à son autre disque introspectif, The Boatman’s Call, autrement plus abouti.
On ne peut vraiment que saluer la performance, car il faut tout de même être sacrément courageux pour sortir un disque pareil un an à peine après le drame. Mais il faut aussi, à mon humble avis, pouvoir sortir de ce tunnel cafardeux et juger le disque pour ce qu’il est vraiment, à savoir un disque honnête qui ne dépareille pas dans la pléthorique discographie de l’Australien mais qui n’est certainement pas le climax assuré par d’aucuns.
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