Ne pas se fier à Oranssi Pazuzu. Aucunement. En effet, qui verrait dans ce doux patronyme fleurant bon la flûte de Pan péruvienne un des meilleurs groupes Finlandais actuel ? Pas grand monde.
Bon, évidemment, pour les cinéphiles ou bédéphiles, Pazuzu n’est pas un nom inconnu et permet d’orienter un peu le style abordé. Comme chacun sait, Pazuzu est, dans L’exorciste, le nom du démon qui colle quelques pustules à la jeune Regan et l’empêche ainsi d’avoir une adolescence normale en l’affublant en plus du syndrome de Gilles de la Tourette. Néanmoins, là n’est pas le propos (quoique, il est possible qu’on y revienne plus loin).
Recentrons cette chronique : Oranssi Pazuzu est donc un quintet Finlandais pratiquant le Black Metal, le Rock Psyché, le métal d’avant-garde, le post-rock, le Krautrock enfin bref, ils officient dans le rock pachydermique (faut dire aussi que leur leader, Jun-His, faisait partie du groupe Space-Rock Kuolleet Intiaanit) suintant le satanisme et les substances illicites.
Värähtelijä, est leur quatrième album et vient confirmer, après un impressionnant Valonielu paru il y a trois ans, l’excellence de ce Space Rock metalleux de haut vol. En sept malheureux morceaux et près de 70 mns, les Finlandais font voler en éclat toute concurrence et livrent un album à la fois monstrueux, protéiforme et très surprenant. Monstrueux parce que Värähtelijä, véritable rouleau-compresseur musical, dévaste tout sur son passage, happe l’auditeur, le secoue, le fout cul par dessus tête et le recrache comme ça, sans préavis. Protéiforme parce que si le style abordé est le rock dans son ensemble, chaque morceau évolue au gré de l’humeur du groupe. Dès le premier morceau, selon le moment où vous le prenez, vous pouvez aussi bien vous trouver dans un Space Rock abusant des substances illicites façon Bardo Pond que dans un segment métallique à tendance Sludge (Fleshpress dans le viseur notamment) ou encore dans le solo du Leave Them All Behind de Ride, rien que ça.
Surprenant parce qu’on a déjà entendu ça ailleurs mais pas de cette façon là. A vrai dire, le seul album dont pourrait se rapprocher Värähtelijä, c’est la A Umbra Omega de Dodheimsgard. En moins barré/éclaté, en plus abordable et cohérent. Mais dans sa façon d’aborder les chansons, les arrangements, Värähtelijä reste très surprenant : sans la présence du growl, certains morceaux sonneraient presque Tribal/Jazz (Lahja), d’autres ralentissent le pouls et abordent un Space Rock bien enfumé et hypnotique au possible (Värähtelijä), certains morceaux très violents comme hypnotisoitu, tout en crescendo et tension maîtrisée, peuvent être littéralement perturbés par un synthé tout d’abord Herrmannien (presque échappé de Psycho) puis, plus loin, aux contours dissonants et métalliques. Idem pour Vasemman : le morceau débute comme il se doit, speed et sous acides, puis dérive vers autre chose, étrange et très cinématographique (ses choeurs épiques, ses accélérations inattendues) jusqu’au pont bien tordu et encore plus sous acides avec son synthé drogué et ses guitares approximatives, porte ouverte pour un ailleurs perturbant, tendu, tordu, exacerbé, incandescent, lourd, très lourd et clairement malsain. Et je ne parle pas de Havuluu, dans lequel le groupe se fait un plaisir d’être là où on ne l’attend pas, d’abord léger et aérien puis, plus tard, pas loin de la dissonance de Blut Aus Nord sur l’étrange break aux 2/3 du morceau, juste avant une montée hallucinatoire. Bref, c’est surprenant. Très. Mais comme chacun sait, surprise ne va pas forcément de pair avec qualité. Pour preuve, souvent, très souvent même, Värähtelijä fonctionne à plein régime, parfois ça tourne un peu à vide, notamment quand la rythmique se pare d’atours électro/techno sur le dernier morceau. Mais le groupe, comme les chats, a cette capacité de toujours retomber sur ses pattes : la techno de Valveavaruus passe mal ? malin les Finlandais terminent le même morceau toujours sur de l’électro mais en le faisant dériver vers l’ambient, tout en tension sous-jacente.
https://youtu.be/2A2_zFdsfrg
Aussi, comme vous l’aurez compris, le crédo des Finlandais, c’est encore et toujours se démarquer des autres formations, empiéter sur plein de territoires adjacents au Black Metal, élargir son audience tout en restant absolument intègre, et, cerise sur le gâteau, en étant le plus accessible possible. La mission, avec Värähtelijä, est parfaitement réussie car le groupe parvient à fédérer non seulement les satanistes de tous poils mais aussi les adeptes du psyché/drone/Space Rock à la Kinski ou Bardo Pond et surtout, surtout, provoquer tout au long de Värähtelijä une réaction très proche du type syndrome de Gilles de la Tourette dans la mesure où les holy shit, fuck et autres joyeusetés de ce type ne peuvent s’empêcher de se bousculer au portillon tant le résultat peut impressionner. Comme quoi, quelque soit la forme d’art en question, Pazuzu parviendra toujours à prendre possession de son auditoire et le rendre marteau. Vous voilà prévenus.
Sortie le 26 février chez Svart Records et chez tous les disquai(re)xorcites de France.