[dropcap]U[/dropcap]n petit paradis caché dans Paris, une petite maison aux volets verts, au fond d’une cour qui sent bon le lilas. De nombreuses bougies et de l’encens nous accueillent dans cet endroit magique. C’est la deuxième fois que j’ai la chance d’assister à ce concert intimiste, le concert de Pagan PoEtry.
Pagan PoEtry, c’est le projet de Nathalie Réaux. Je l’avais découverte lors de la dernière tournée de Miossec, elle faisait partie des voix qui s’élevaient là où celle du Breton nous maintenait à terre. Ce rayon de soleil m’avait poussée à aller chercher des informations supplémentaires à son sujet. Pagan PoEtry m’a conquise de suite. Loin de mon univers musical habituel, Nathalie m’emporte, me malmène, m’envoûte.
Suite à de bêtes problèmes d’organisation et de logistique, nous allons être plus nombreux que prévu ce soir dans cette jolie salle aux murs blancs, et aux coussins posés à terre. Tous se retrouvent là, comme une grande bande d’amis qui viennent participer à un événement exceptionnel. La convivialité est de mise. Chloé Girodon au violoncelle, Marie Lesnik au violon et Johann Chauveau au clavier entourent Nathalie. On entend au loin le son d’un grelot, et les premières notes d’Another Earth résonnent autour de nous.
Envoûtant… Je me surprends à fermer les yeux et à me laisser envahir par ce flot d’émotions et d’images. Je m’envole au dessus des arbres, ou plonge au fond des océans. Jamais aucun artiste ne m’a provoqué ces sensations. Elle nous entraîne dans son univers, et ce soir, un de ses amis, chaman brésilien est présent. Nous nous éloignons définitivement de la vie parisienne en écoutant un chant traditionnel. Nathalie nous offre ensuite la reprise de « I follow rivers » de Lykke Li, totalement incarnée. Le public mêle sa voix pour le refrain, un joli moment de connivence. A chaque concert intime, un artiste est invité. Cette fois-ci, nous avons eu l’immense chance de voir Albin de la Simone, chanteur élégant, classe, souriant et plutôt bel homme. Je vous ai parlé de son charme évident ? Ils se mettent à chanter en duo, un duo tout en douceur et tendresse, Elle aime. Puis Albin nous gratifie d’un morceau inédit, qu’il vient de finir de composer il y a quelques jours. Chanceux, nous sommes, nous les heureux invités de ce moment particulier.
Pagan PoEtry ne possède pour le moment qu’un EP, ce qui malheureusement nous entraîne trop rapidement vers la fin de ce récital. Une reprise de « Chicago » de Sufjan Stevens clôt ce concert, avec le sourire de Nathalie, Chloé, Marie et Johann.
Une fois de plus, je me suis laissée prendre. Tellement emportée que le retour à la réalité fut très rude… méga coup de blues qui risque de durer quelques jours… Attention, Nathalie Réaux peut provoquer des changements dans une vie…
Si vous êtes sur Paris, Pagan PoEtry sera le 21 Mai prochain à l’Européen en première partie de 49 Swimming Pools.
C’est avec toute sa grâce naturelle qu’elle a décidé de répondre aux questions d’Ivlo Dark (jalouse, je suis, car elle a souhaité explicitement que ça soit lui). Bref, je vous laisse avec eux !
Ivlo : Le choix de Pagan PoEtry comme nom de scène découle-t-il d’un besoin de définir ta propre identité artistique ?
Nathalie : Pagan PoEtry est l’extension artistique de ma personnalité. Je dirais même que c’est une sorte d’entité qui m’enveloppe et m’encourage à exprimer ma vision intime sur le monde. J’avais besoin d’ouvrir et de m’offrir un grand espace de création, et je ne me voyais pas porter ce projet uniquement sous mon nom civil, qui appartient selon moi au domaine du privé. Pour autant, ce choix de pseudonyme n’a jamais eu pour objectif de me cacher. Au contraire, j’y dévoile et y explore la dimension la plus créatrice, poétique et mystique de mon être.
J’ai longtemps cherché ce qui caractérisait le plus clairement ma musique. Je savais qu’elle était teintée de poésie et de mystère. Je cherchais un adjectif qui complétait cette notion de poésie. Puis je suis retombée sur cette chanson de Björk, Pagan Poetry, qui est une de mes préférées de son répertoire.
Et ce fut l’évidence. L’alliance de ces deux mots épousait parfaitement mon propos. Alors, j’ai choisi de me présenter sous ce nom.
Sur ton site internet tu fais référence à une citation d’Albert Einstein qui illustre le titre de ton EP (The Unseen) : « Il est absolument possible qu’au-delà de ce que perçoivent nos sens se cachent des mondes insoupçonnés » … Penses-tu que la musique puisse nous conduire d’une certaine manière vers cet univers invisible ?
Nathalie : Oui. La musique est faite de vibrations, que l’on ne peut pas voir à l’œil nu mais que l’on ressent, au point d’être ému, bouleversé. Des études ont montré qu’elle peut modifier notre état de conscience. D’ailleurs, dans de nombreuses tribus, la musique est un des outils qui amène à la transe et qui permet de percevoir autrement.
La photo sur la pochette de l’EP, est-elle alors la métaphore symbolique de cette idée de transformation ?
Nathalie : Absolument. J’ai eu envie de symboliser à ma manière la coiffe des indiens. Dans leurs coutumes, la coiffe incarne la connexion aux « autres mondes ». Pour le choix de la plume de paon, j’aimais l’idée d’utiliser un élément organique et naturel, qui ressemble à un œil. Pour un album qui s’appelle The Unseen, être entouré d’yeux étranges issus de la nature me plaisait bien. Par ailleurs, c’est aussi un clin d’œil au paon qui fait la roue lorsqu’il se présente. Cet EP est un acte de naissance, je devais donc me présenter. Le choix du paon a également été une évidence suite à une expérience singulière que j’ai vécue, mais que je vais garder pour moi
Tu disais transformation ?
Je dirai métamorphose …
Tu parles d’acte de naissance mais je crois savoir que tu travailles sur une suite en long format. Sans nous dévoiler tout le processus de création, tu en es où dans la réalisation de ton premier album ?
Nathalie : J’ai en effet envie de développer la suite de cet EP. J’ai quelques titres en création, des idées de textes par-ci par-là. Ces derniers mois, je n’ai pas beaucoup composé car j’étais sur la route avec Miossec. Mais je sens que les mois à venir vont être créatifs ! J’ai une envie particulière pour cet album. Je veux lui donner une esthétique plus organique, plus orchestrale encore que l’EP. Je dois donc réfléchir à la façon dont je peux le réaliser, non seulement en termes techniques, mais aussi en termes de coût. C’est certes ambitieux mais cette idée me porte vraiment alors je vais essayer de tout mettre en œuvre pour pouvoir la réaliser.
Tu évoques cette tournée avec Miossec. J’ai d’ailleurs eu la chance de te voir sur scène avec le groupe il y a quelques mois (voir le live report ici même)
Quel souvenir marquant gardes-tu de cette expérience ?
Nathalie : C’est toute l’expérience qui a été marquante. Cette tournée a été un vrai cadeau de la vie. J’ai accompagné sur scène un des plus généreux artistes que je connaisse. Quant à sa plume, c’est une des plus touchantes et des plus sincères de notre époque. Mes compagnons de route (musiciens et techniciens) étaient des amours. Bref, la tournée rêvée. Je garde en tête tout de même un moment suspendu aux vieilles charrues où le soleil baignait tout l’espace, la lumière diaphane envahissait la foule, c’était magique au sens premier du terme.
Chez Addict Culture, notre devise est de susciter l’envie des lecteurs. A ton tour, peux-tu nous conseiller un album, un livre, un film ?
Nathalie : Ah c’est difficile !!! J’ai plein de choses qui me viennent. Bon je me lance…
Un album: « Fur and gold » de Bat for Lashes. Dès la première écoute de ce disque, j’ai eu une sensation de résonance avec ce que j’étais en train de créer pour l’EP. Une sensation de faire un peu partie de la même famille. D’ailleurs, ce qui est bizarre, c’est qu’on se ressemble un peu physiquement…
Un livre : « Océan mer » d’Alessandro Baricco. Si Pagan PoEtry devait être un livre , ce serait celui-là.
Un film : Le dernier en date qui m’a beaucoup émue : « I Origins » de Mike Cahill, un de mes réalisateurs préférés.
Il y a tellement d’autres albums, livres et films dont j’aimerais parler !!! C’est cruel de n’en choisir qu’un …
Un rêve pour le futur ?
Nathalie : Un futur pour les rêveurs …