[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#394CA4″]I[/mks_dropcap]« Il y a longtemps que j’attends ce moment : pouvoir me mettre à ma table de travail (une petite table bancale sous un manguier, au fond de la cour, pour parler d’Haïti, tranquillement, longuement… Je n’écris pas, je parle. Je ressens ce pays physiquement ».
Après vingt ans d’exil, l’écrivain primitif, « Vieux os », narrateur du roman, revient en Haïti. Un retour aux sources nécessaire qui provoque en lui une impérieuse nécessité d’écrire. De décrire.
Il se remémore son pays sans chapeau, que l’on nomme ainsi car personne n’y a jamais été enterré avec son chapeau, afin de passer dans l’au-delà, et fait face à celui qu’il retrouve, deux fois dix ans après.
Les souvenirs, les odeurs, les sensations, les mots oubliés (ce créole que l’on retrouve en tête de chaque chapitre) reviennent, comme tout ce que l’on garde au fond de soi, avec cette nostalgie que l’on n’ose avouer.
Dany Laferrière alterne le récit de courts chapitres, « La vie réelle » et « La vie rêvée », dévoilant ainsi toute la richesse d’une terre qui se nourrit de légendes ancestrales, de croyances incroyablement poétiques, de superstitions, et par-dessus tout, d’une générosité immense.
La langue est colorée, ronde et charnue, chaude, drôle et poétique.
C’est un bonheur de retrouver la verve de l’auteur et ce regard si particulier, quelque peu indescriptible, qu’il porte sur tout ce qui l’entoure.
Pays sans chapeau est aussi et peut-être bien surtout, source de réflexions : sur la vie, sur la mort, sur les traditions, sur la transmission, sur la famille et bien évidemment sur l’exil. Est-on le même lorsque l’on revient, longtemps après être parti ? Qui a changé ? Le pays ou l’exilé ? Comment voir au-delà de la misère qui frappe ce pays ?
« Le pays réel, monsieur, je n’ai pas besoin de le rêver ».
Pays sans chapeau de Dany Laferrière
Editions Zulma, août 2018