[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#827d34″]L[/mks_dropcap]e 12 mars dernier, je me rends à la Cantine de Petit Bain (la péniche située en contrebas de la bibliothèque François-Mitterrand), une salle – petite sœur de la grande salle – tout en longueur, dotée d’un bar restaurant et d’une jolie vue sur la Seine.
L’ambiance est calme, la lumière tamisée, la musique à faible volume est extraite du meilleur du mitan des années 80 (House of Love, Pixies…), une vingtaine de personnes dînent ou boivent un verre accoudées au bar.
Ce soir, nous sommes peu nombreux, on me dit que le même concert à Londres quelques jours auparavant était sold out. J’aperçois Pete en train de dîner avec deux amis.
Je le vois poser des mots puis les raturer sur une feuille de papier qui deviendra sa setlist. Je m’approche de lui, le salue et lui demande s’il a l’intention de jouer I love you, une chanson issue de son deuxième et dernier album en duo avec Terry Bickers (ex-guitariste de House of Love, ex-leader de Levitation), We Are Millionaires (2017, Broadcast Recordings).
Il semble un peu surpris par ma demande, me répond aimablement qu’il n’y avait pas pensé mais qu’il peut l’ajouter.
[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#827d34″]L[/mks_dropcap]e concert commence tard, vers 21h30, il est tout simplement assis sur une chaise avec sa guitare. Pete Fij introduit son concert en nous parlant du temps qui passe. Il a eu 50 ans en décembre dernier, l’âge où, selon ses mots, l’on commence tous à devoir faire face à la perte d’un parent, ce qui lui est arrivé récemment. Cette série de concerts est l’occasion pour lui de fêter son anniversaire. La dernière fois qu’il a fait une tournée en Europe, c’était il y a 25 ans au sein d’Adorable.
Au début des années 2010, il s’est produit pour une série de quelques concerts avec Terry Bickers (Pete au chant et à la guitare acoustique, Terry Bickers à la guitare électrique).
Le premier titre s’inscrit donc dans le thème du temps, Out of time.
Quelques problèmes de Larsen lui font dire que non, nous ne sommes pas à un concert de Jesus & Mary Chain ! Cette prestation sera évidemment beaucoup moins bruyante que celles des écossais, surtout dans cette configuration solo et acoustique, mais elle ne sera pas dénuée de toute tension, notamment sur le dernier titre.
Entre chaque chanson, Pete nous raconte des anecdotes, ou plutôt de vraies histoires avec moult détails, il prend visiblement un réel plaisir à se livrer. Entre autres, l’histoire d’une fille dont il était amoureux quand il était étudiant, à laquelle il voulait faire une déclaration en allant toquer à sa porte la nuit. Après avoir échafaudé tout un scenario (Pete a suivi des études cinématographiques à l’Université de Warwick), s’être imaginé frapper à sa porte en anticipant tous les détails de la scène jusqu’au bruit de ses doigts sur la porte, il a finalement renoncé.
La deuxième chanson c’est Submarine, un très bon titre issu du deuxième album d’Adorable, Fake, sorti sur le label Creation en 1994. Puis vient ma-chanson-rien-que-pour-moi, I Love you. Il demande qui l’a réclamée, je lui fais un signe de la main, il prévient avec humour qu’il risque de très mal la jouer et que ce sera de ma faute, mais je n’y crois pas beaucoup… et j’ai raison.
Il joue ensuite une version assez poignante de Parallel Girl, issue du premier album avec Terry Bickers, Broken Heart Surgery (2014, Broadcast Recordings). Les titres d’Adorable ne sont pas en reste ce soir puisque la suivante est Kangaroo Court.
Puis vient Homeboy, troisième single du groupe sorti en 1992 et qui figure sur leur excellent premier album Against Perfection, sorti en 1993 toujours chez Creation. De facture très shoegaze, ce titre a été repris dans une version acoustique (ce qui en fait d’ailleurs une chanson complètement différente, mais tout aussi puissante) sur son disque solo Broken Heart Surgery (une première version de l’album est sortie dans une édition limitée à 500 exemplaires, la deuxième version avec Terry Bickers, sortie la même année, comprend certains titres en commun avec la 1ère).
Quelques titres plus tard, la soirée se conclue avec Sistine chapel ceiling, certainement un des meilleurs titres d’Adorable. J’en profite pour rendre justice à ce groupe qui aurait mérité un plus large succès, au moins public. Peut-être parce qu’il était à la frontière entre deux mouvements (Brit Pop et Shoegaze), Adorable n’a pas eu le succès, ou tout au moins la renommée qu’il méritait. Sistine chapel ceiling, le quatrième single du groupe, a été désigné à sa sortie « single de la semaine » par le NME, comme l’avait été auparavant Sunshine smile. Ces deux titres, comme I’ll be your saint puis Homeboy, se sont tous retrouvés dans le Top 5 des charts anglais.
La version acoustique de Sistine chapel ceiling dure 5’60 » et est vraiment excellente, elle commence doucement puis va crescendo, la tension monte, Pete est habité et très concentré sur sa guitare, c’est surprenant. Quelques fans de la première heure (hélas, trop peu représentés ce soir) sont complètement sous le charme.
[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#827d34″]A[/mks_dropcap]près le concert, Pete va et vient entre ses amis, la platine pour passer des morceaux de son choix, et les personnes qui souhaitent discuter lui, disponible et avenant. Nous échangeons avec lui sur les titres qu’il passe, notamment un titre de LCD Soundsystem.
Je lui confie que mes titres préférés d’Adorable sont Cut #2 et Sistine Chapel Ceiling, il chantonne le début de Cut #2 et m’explique que la chanson qui portait ce titre n’a finalement pas été enregistrée, mais qu’ils en avaient conservé les paroles et le titre, qui est devenu « #2 ».
Au sujet de Sistine chapel ceiling, il me dit que, sur le premier album, ils composaient de façon très intuitive et rapidement, alors que sur le second, ils étaient plus structurés, organisés avec couplets/refrain etc. et que rétrospectivement, il trouve le premier album plus intéressant, ce que je ne manque pas d’approuver.
Il nous présente son Teddy Bear, qu’il a surnommé Electricity Board du nom de la boutique où il l’a acheté, et qu’il emmène avec lui sur toutes ses tournées depuis celles avec Terry Bickers ; il nous autorise même à le toucher, et nous explique qu’il est un peu abîmé mais dans un relatif bon état vu les nombreux voyages qu’il a endurés.
La salle va fermer, on nous prie de la quitter. Les musiciens partent, Pete Fij remercie le personnel pour la bonne cuisine. Nous nous retrouvons un peu par hasard à l’entrée de la station de métro. Pete porte une petite valise dans une main, sa guitare dans l’autre ; un peu encombré, il a du mal à passer dans le tourniquet.
À la vision de cette scène me viennent soudainement en tête les images de lui dans la vidéo de Sunshine smile. Un sentiment de mélancolie fugace me traverse ; comment un artiste hyper talentueux qui a écrit des chansons aussi géniales que I’ll be your saint et Sunshine smile peut se retrouver à batailler avec le tourniquet du métro comme le commun des mortels ?
Nous prenons le métro dans la direction opposée à la leur.
Dans un monde idéal, le petit prince shoegaze s’éloignerait dans un carrosse doré.
Je le vois disparaître, englouti dans le tunnel du métro.
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We Are Millionaires, Pete Fij / Terry Bickers
Paru chez Broadcast Recordings en 2017
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Merci Lilie de m’avoir sollicitée, la Team Music pour son accueil, Jennifer Garaud pour sa patience, Pénélope Crouteprod. Poulpy et Edouard EDB pour la relecture, la mise en forme etc. 🙂
Merci à toi de nous rejoindre Marianne !