La première fois que j’ai entendu la musique de Philip Glass, je devais avoir huit ou dix ans. A la fin des années 80, mes parents écoutaient en boucle The Photographer.
A l’époque je commençais à peine à m’intéresser réellement à la musique. Je veux dire que les disques de Dorothée ne tournaient plus aussi souvent dans mon radio-cassette, et que la vieille cassette de l’album rouge des Beatles venait d’y élire domicile. Autant dire que c’était le commencement…
Alors, quand j’ai entendu les notes répétitives de Philip Glass, cet enchevêtrement de sonorités cuivrées, métalliques adoucies par des cordes sourdes, ces rythmiques infinies, ces voix aériennes, je fus pour le moins interloquée.
Il y avait quelque chose de fascinant, d’hypnotique dans cette musique, une intelligence, quelque chose de plus exigeant aussi, de moins immédiatement accessible (moins que Love Me Do et She Loves You en tout cas). Il y avait également quelque chose de profondément dramatique.
Pour la première fois de ma vie, j’entendais une de ces musiques qui vous racontent des histoires sans paroles, vous transportent à l’autre bout du monde ou bien au fond du jardin. A l’époque cet album me semblait représenter la classe ultime en musique. Aujourd’hui, je serais un peu plus tempérée… on frôle parfois la surcharge sonore voire le kitch. Mais, disons que c’était les années 80… et la fin de sa période « musique répétitive ».
https://www.youtube.com/watch?list=PLTUlTwlsdlFRj8NWzCawXX9VXNx99XY6T&v=z-hf3gUZpJQ
Des emportements rythmiques et profusion d’instruments
Depuis, le compositeur a été prolifique : symphonies, concertos, œuvres pour pianos, opéras, et de nombreuses musiques de films.
Philip Glass est devenu un compositeur plus « classique » et moins expérimental, laissant un peu de côté (sans totalement l’éliminer) l’aspect répétitif de sa musique.
Mais il garde cette dimension fascinante à mes yeux : être reconnaissable entre mille, en un instant.
Il y a toujours une ampleur incroyable dans sa musique. Il y a encore ces harmonies à la limite de la dissonance qui nous plongent dans un déséquilibre finalement agréable. Il y a toujours ces emportements rythmiques et cette profusion d’instruments…
J’éprouve un sentiment assez contradictoire face à Philip Glass dont j’aime la musique. Il est de ces artistes qui font partie de ma vie. Pourtant je ne l’écoute que très peu, et de manière boulimique. Je ne suis pas sûre d’avoir envie d’écouter toute sa discographie (je crois qu’il me faudrait une année entière pour cela). Pourtant, quand je reconnais par hasard, une de ses compositions, il faut que je l’écoute, encore et encore, jusqu’à plus soif.
C’est le cas avec son oeuvre pour piano solo Metamorphosis (1989). Elle est composée de cinq parties sobrement intitulées Metamorphosis One, Metamorphosis Two, Metamorphosis Three, Metamorphosis Four, Metamorphosis Five. Glass reprend le même thème musical et le décline de multiples manières, lui donnant parfois des couleurs plus ou moins mélancoliques et intimes ou bien fortes et lyriques.
Glass a beau sembler être un théoricien, un mathématicien de la musique, il n’en reste pas moins pour moi un compositeur du sentiment.
Il est un compositeur plus confidentiel qu’il ne le devrait. de la musique répétitive voire expérimentale, il en est venu petit à petit à une musique plus accessible au point d’être régulièrement appelé pour composer des musiques de films.
La musique audio-visuelle
La musique de Philip Glass fait partie de celles que je définis comme « audio-visuelles ». A l’instar d’un Michael Nyman, d’un Wim Mertens, ou dans un style un peu plus éloigné, Yann Tiersen, ses compositions presque exclusivement instrumentales provoquent chez celui qui l’écoute une sensation d’immersion dans un univers complet et plus seulement auditif.
Ses œuvres ont la faculté d’englober l’auditeur dans une atmosphère ou un paysage sensoriel finalement très complet, car plus seulement auditif.
Ce n’est donc sans doute pas un hasard si Philip Glass a été le compositeur de nombreuses musiques de films (Mishima, The Thin Blue Line, Truman Show, The Hours, Les Quatre Fantastiques, etc.), et que certains de ses titres ont été repris pour illustrer des publicités…
Musique empruntée à Philip Glass pour la publicité d’un téléphone mobile…
La musique de Philip Glass possède une dimension lyrique sans commune mesure. Ses titres ont la faculté de provoquer l’émotion d’une manière instantanée. Ses compositions provoquent une sensation particulière assez universelle : celle de la révélation. Comme si, en écoutant sa musique on se disait à chaque minute « Eurêka ! » Philip Glass est un compositeur de génie (rien de moins), et les publicitaires n’ont pas manqué de le remarquer…
Mais heureusement, quand on n’a rien à vendre ni à acheter, on peut toujours se lover dans sa musique.
Crédit Photo : Annie Leibovitz