C’est un premier livre et c’est une belle réussite. Publiée par les éditions Futuropolis, Pizzica Pizzica est l’œuvre de Solène Rebière, qui y aura travaillé 4 longues années. Telle… une araignée tissant sa toile, l’autrice nous emmène sur le chemin d’un amour toxique, dont on ne sait si sa victime en sortira indemne. Bref, elle nous tient prisonnière de son histoire, racontée avec force, jusqu’au dénouement final.
Tout d’abord, pour bien comprendre le titre de la BD et son univers, précisons que la pizzica est une danse thérapeutique, composée de plusieurs cycles d’une quinzaine de minutes. C’est dans les Pouilles, en Italie, qu’elle prend racine. Celles et ceux qui la pratiquent sont accompagnés, entre autres, par le rythme de plus en plus effréné d’un tambourin. Jusqu’à entrer en transe et à se défaire, avec toute l’énergie et la puissance nécessaire, du venin des tarentules les ayant agressées (elles sont nombreuses dans la région et leur morsure est réelle), ou plus symboliquement, de la colère et des pensées noires qui les habitent.
C’est avec cette danse en ligne de mire que se construit le destin d’Apolline, personnage principal de la bande-dessinée, dont il faut souligner au passage le graphisme soigné, tout en noir et blanc, magnifié par une belle qualité d’impression sur papier offset naturel. Apolline donc, est une jeune femme « fraîche come une fleur », ainsi que la présentent ses amis Clément et Sofia. Tous les 3 participent à une résidence d’artistes, en Bretagne, où ils répètent une pièce de théâtre et quelques chorégraphies.
C’est là-bas que la fragile Apolline tombe sous le charme de l’entreprenant et ténébreux Erwan, lequel ne va lui laisser aucune chance de repartir vers d’autres horizons. Puisque le sien, c’est la mer, ce sera aussi celui de sa compagne. Ainsi soit-il. Sans avoir eu le temps d’y réfléchir, elle embarque donc sur le voilier du garçon. Au menu : une sympathique balade romantique. En réalité, il en sera tout autre. Mais bien qu’elle ait vomi toutes ses tripes par forte houle, la jeune femme va manquer de lucidité pour réaliser qu’elle ne décide déjà plus de rien.
Cette emprise, qui va passer par l’isolement d’Apolline en même temps qu’un voyage sous pression jusqu’en baie de Naples, sera aussi faite de moments charnels et de passion partagée. C’est toute la difficulté d’une telle relation, aussi fougueuse que dangereuse, que Solène Rebière met en lumière : comment percer à jour la vraie nature de l’autre, certes faite de petites attentions charmantes mais aussi d’injonctions à peine voilées ?
BD au propos sensible et au dessin expressif, Pizzica Pizzica offre une narration bien construite et intéressante, à découvrir assurément.