[dropcap]H[/dropcap]iver 1996, à Roubaix, un fait divers défraye la chronique par son extrême violence, deux truands ont arrosé à l’arme de guerre, des kalachnikovs, des policiers qui pratiquaient un banal contrôle de papier.
Informé par un indic, Réif Arno, journaliste dans la région, n’hésite pas à désigner les commanditaires de cette action inique. Il s’agirait de deux moudjahidines qui auraient fait la guerre en ex-Yougoslavie.
Personne ne le croit à la direction, c’est trop gros, comment des faits liés à la géopolitique remontants à plusieurs années en arrière peuvent-ils avoir des conséquences aujourd’hui ?
Pourtant la guerre dans les Balkans est encore proche, c’est une poudrière encore incandescente malgré les accords de Dayton qui ont accouché d’une paix de façade.
Réif est habité par son envie de faire du journalisme d’investigation, son patron est réticent, La Voix du Nord n’est plus le grand journal indépendant de la grande époque qu’a connue Wattelet, il faut faire du chiffre pour contenter les annonceurs, faire plus de place à l’espace publicitaire tant pis pour le contenu que l’on donne à lire aux lecteurs.
Réif s’en va donc seul par ses propres moyens à Sarajevo, ses origines aussi, pour mener son enquête et espérer vendre son reportage à de plus grands organes de presse, « Libé » ou « L’Obs », un tremplin vers le succès.
La radicalisation islamiste en Algérie dans le premier opus, La Guerre est une Ruse, de Frédéric Paulin, a le même terreau que chez les musulmans des Balkans, ces armes vieilles de la guerre en Afghanistan à la fin des années 70 contre l’armée soviétique, que l’on retrouve désormais dans les mains de fondamentalistes qui veulent le Djihad.
Réif, notre journaliste ne sait pas encore dans quel guêpier il s’est mis en enquêtant sur ce phénomène.
[dropcap]A[/dropcap]u même moment, des moines à Tiberine sont enlevés et exécutés, la violence et l’extrémisme religieux qui sommeillaient rejaillissent soudainement.
Le sujet sensible est pris très au sérieux par les renseignements généraux et le Quai d’Orsay, on ne veut pas que cela fasse tâche d’huile et que tout cela se propage chez les pays voisins, il y a des intérêts économiques et des enjeux diplomatiques de premier ordre. Ainsi à la DST Laureline Fell, commandant, suit de très près ces deux Ch’tis qui ont fait allégeance et se réclament de leur Djihad.
De son coté la DGSE n’est pas en reste, Tedj Benlazar que les lecteurs connaissent bien par ses agissements dans l’ombre lors du premier opus, est présent à Sarajevo, il se sert de Réif et de son projet de reportage pour faire bouger les choses chez les instances gouvernantes en France.
Il met en en lumière les activités de ce groupuscule et les liens avec l’organisation nommée Al-Qaïda avec à sa tête un certain Ben Laden, pour l’instant très discret, mais richissime et puissant, mais dont personne ne parle, et qu’aucun service secret ne trouve.
Pourtant Benlazar sent que quelque chose se trame dans les montagnes afghanes…
Dans Prémices de la Chute, Frédéric Paulin nous emmène dans une intrigue addictive et richement documentée.
Nous rentrons in médias res dans ce roman noir entre espionnage et géopolitique construit par l’entrelacement des protagonistes qui font progresser l’histoire par leur prises de décisions, leurs questionnements, leur destin, leurs actions qui peuvent avoir des conséquences sur les autres, un effet papillon même si on se rend bien compte qu’ils sont tous pris dans un système global qui les dépasse.
La guerre froide et son manichéisme des deux blocs est révolue, le monde est devenu plus complexe, insaisissable, imprévisible.
Il y a un certain pessimisme qui découle entre les lignes qui permettent de faire le contre point de la situation actuelle, de mesurer le temps passé, que tout est un perpétuel recommencement, que les troubles que nous traversons liés à la mondialisation et à la décolonisation du demi siècle passé nous donnent à penser qu’il n’y aura peut être pas de fin à tout cela après tout.
L’avenir nous le dira et sera sans doute l’objet du prochain tome de notre auteur.