Que vous le vouliez ou non, Addict rime avec éclectique. Qui dit éclectique, dans le domaine musical, dit que chaque chroniqueur ici présent apporte une spécificité particulière à l’édifice Addictien. La mienne, si vous avez bien regardé mon top 2014, consiste à apprécier plus que de raison le métal (je sais : personne n’est parfait). Bref, si je me permets cette petite digression, c’est pour vous mettre en condition car ce qui suivra parlera justement de Black/Death/Doom/Ambient/Drone.
Cold Dark Matters Records, label français, spécialisé dans le Black/Death/Ambient et créé par un passionné en 2012 (puis géré à deux actuellement), a sorti, courant décembre, la compilation Prima Giedi sa troisième référence (les deux autres étant un LP de Fange, Poisse, sorti cette année et un split entre Leben Ohne Licht Kollektiv et Immemorial sorti en 2012) et dont l’ambition est de proposer un large éventail de groupes allant de l’Ambient au Black Metal en passant par la Cold Wave. Il s’agit là en fait de la première compilation du label destinée à promouvoir et sortir de l’anonymat d’obscurs groupes de black et d’ambient français, pour la plupart, qui ne demandent qu’une chose : ne pas le rester (même si Jessica 93 ne vous est plus inconnu et que Reverence fait figure de référence dans le Black/Indus français).
Prima Giedi se présente comme un double cd : le premier disque, Deimos, est orienté Black/Death/Ambient/Drone/Cold Wave tandis que le second, Phobos, lorgne plus vers le Black/Doom. D’emblée, se détachent de la sélection au moins six groupes : les excellents Bagarre Générale et leur surprenant Afrocalypse : instrumental mélangeant le jazz au métal et flirtant avec le post-rock, détonant et étonnant (je ne peux d’ailleurs que vous conseiller d’aller jeter une oreille sur leur bandcamp, le groupe y confirme son excellence et surtout sa singularité musicale). Le drone/ambient apocalyptique d’Hendiadys (VI), side-project de deux Fange, progressif, hypnotique et un rien tendu. L’Ambient de Treha Sektori (connu également sous le nom de Dehn Sora, remarquable graphiste du dernier Blut Aus Nord entre autre et concepteur de la pochette de la compile), le solide et extrêmement tendu Abjvration, le martial, doomeux limite Godfleshien et hypnotique Bitcho (seul groupe non local, Néerlandais même, de la compile), et enfin le Sludge/Doom/Psychédélique Haxo évoquant plus que de raison le Fleshpress de Pillars.
Ensuite vous y trouverez d’autres groupes « solides » mais un cran en dessous de ceux évoqués au-dessus, plus classiques serait-on tenté de dire : In The Final Analysis, Sludge/Doom de haute tenue même si sans surprise (les spectres d’Isis et autres Neurosis ne sont pas loin), les « anciens » (1989 tout de même), indus et quasi pop, du moins sur la compile, Kill The Thrill. Curieusement, sur les douze morceaux présents, les moins impressionnants sont ceux des groupes ayant une certaine renommée : celui de Jessica 93 et de Reverence qui, sans être inintéressants, sont plus classiques, sans véritables surprises car avec un univers bien défini duquel ils ne dérogent pas.
En revanche, il reste un morceau dont je n’ai pas encore parlé et qui se hisse nettement au dessus du lot, c’est le Black Metal effrayant et très très lourd de V.I.O.L, évoquant par moment l’excellence d’un Weakling. Morceau composé il y a 4 ans, qui restera malheureusement sans suite, St se présente comme une demi-heure d’oppression, de suffocation, alternant rouleau compresseur, speed apocalyptique (les dix dernières minutes, sorte de Black Harsh, jusqu’au-boutistes et violentes sont vraiment impressionnantes) et respirations nécessaires bien que tendues entre deux accès de violence brute. Le morceau est suffisamment équilibré entre Ambient malsaine, Harsh, Industriel et Black Metal pour tenir en haleine l’auditeur qui ressortira lessivé et impressionné de cette demi-heure de folie.
Au final, Prima Giedi ne se présente pas comme une compile ordinaire sur laquelle l’auditeur découvre des noms, des groupes dans un ordre aléatoire et disparate se révélant au bout du compte sans intérêt. Elle est au contraire pensée, réfléchie comme un tout cohérent, comme un véritable album, le fruit de deux ans de boulot de la part du boss de Cold Dark Matter , préférant prendre son temps, privilégier une musique de qualité, même si difficilement accessible, qu’une sortie tous les deux ou trois mois d’un groupe fadasse et sans intérêt. Bien lui en prend car après écoute de Prima Giedi, ainsi que des autres références du label, on attendra avec une impatience non feinte les trois prochaines sorties prévues pour 2015.
Prima Giedi est sorti le 15 décembre dernier, dispo en digital sur le bandcamp du label et en physique sur le site de Cold Dark Matter Records