[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#7a9fbf »]I[/mks_dropcap]l aurait été dommage de ne pas avoir d’édition française de ce roman explosif québécois. Querelle de Roberval écrit par Kevin Lambert avait été publié en 2018 aux éditions Héliotrope. Le Nouvel Attila le republie sous le titre Querelle (fiction syndicale). Kevin Lambert a écrit ce texte comme on confectionne une bombe, avec soin, pour un effet radical. L’écrivain Québécois nous raconte l’histoire de la grève de la scierie du lac Saint-Jean à Roberval dans un style vivifiant. Bien plus que la « fiction syndicale » attendue, la lutte sociale et la sensualité homosexuelle s’entremêlent pour devenir une mythologie de la lutte des corps sociaux et des corps du désir.
Nous avons l’impression de suivre un documentaire sur une ville du Québec et ses ouvriers. Quelque chose d’assez exotique pour nous tenir en haleine sans compter le feu des pages sur Querelle, son personnage central. Querelle est beau, représentation virile, vivant sa sexualité tel un dieu. Tous les hommes des environs le désirent plus ou moins consciemment. Il travaille lui aussi à la scierie de Roberval et se bat avec les autres pour son emploi.
Tout cela peut faire une belle histoire mais Kevin Lambert va plus loin et le lecteur referme le livre, fébrile de toute la tension déployée. Quelque chose a brûlé dans notre imaginaire. L’exotisme canadien a pris feu durant le récit et le livre fermé résonne encore de l’explosion.
La métaphore de l’incandescence de Querelle de Kevin Lambert peut paraître un peu poussive. Elle tente pourtant avec peine de démontrer la puissance et la vitalité présentes dans les lignes de ce roman. Pour autant, l’écrivain n’a pas écrit ce livre par miracle. Il ne faut pas ignorer la vitalité de la littérature québécoise. Querelle renvoie évidemment à Jean Genet mais la référence s’arrête là pour laisser place à d’autres épiphanies. « Je ne demande pas pardon aux poètes que j’ai pillés » dit l’auteur en fin de ses remerciements. Nous l’excusons facilement, avec ce roman et sa réédition, le feu littéraire n’est pas prêt de s’éteindre.