L’auteur du formidable livre Tout ce qui m’est arrivé après ma mort est un voyageur : Lisbonne, Macao, Londres, Amsterdam et Tokyo nous dit l’éditeur. Il semble donc naturel que Ricardo Adolfo se penche sur l’exil.
Brito, son épouse Carla et leur petit ont quitté leur pays pour aller vivre sur une île qui ne sera jamais nommée, pays inconnu, pays « x » ou en quelque sorte tous les pays. Ils n’en parlent pas la langue et n’ont pas de papiers. Mais ils espèrent une vie meilleure que dans leur pays d’origine.
Leur vie va basculer lors d’une promenade.
Ils se perdent dans l’immensité de la ville et une longue errance commence.
Ricardo Adolfo utilise un mélange d’humour et de tension dramatique tout au long du roman. Brito, le narrateur, boule d’angoisse et de larmes, est sans cesse tiraillé entre l’envie de plaire à Carla et les risques qu’ils prennent lors de la promenade.
Carla, seul personnage féminin du livre, n’est pas franchement reluisante. Elle ne cesse d’en vouloir à son mari, le rabaissant sans cesse. Leur union vacille et quand les drames arrivent, ils ont du mal à rester soudé.
Les dialogues entre ces deux personnages, à la fois très drôles et dramatiques en même temps, sont le centre du livre.
Querelles domestiques au début à propos de l’achat d’une valise inutile selon l’un, indispensable selon l’autre. La partie comique. Puis querelles à propos du problème auquel ils sont confrontés. Des échanges montant petit à petit en violence. Des reproches fusant, une unité qui se délite. La partie dramatique.
Ricardo Adolfo fait particulièrement bien ressentir la peur de ses personnages, les difficultés à communiquer dans une langue qui n’est pas la sienne, la peur de croiser les policiers, d’être dénoncé et renvoyé au pays.
L’impression d’oppression et d’enfermement, sans cesse présente, rend la lecture angoissante.
Le caractère de l’île, de l’errance, de la mort qui rôde, de la violence des policiers nous renvoie à une actualité particulièrement dramatique avec les naufrages des émigrants africains venant chercher refuge en Europe.
Livre sans complaisance sur l’immigration, sur le rejet de l’autre, sur la façon dont les gens sont « accueillis » dans un nouveau pays, Ricardo Adolfo appuie très fort sur nos manques et notre humanité défaillante.
Tout ce qui m’est arrivé après ma mort, de Ricardo Adolfo traduit par Elodie Duapu, paru aux Editions Métailié, avril 2015