[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]R[/mks_dropcap]ide revient avec Weather Diaries, leur premier album depuis Tarantula en 1996. Épuisé, rongé par les conflits internes, le quartet d’Oxford s’était séparé dans la foulée de l’enregistrement de ce dernier.
Weather Diaries a le mérite de ne pas regarder dans le rétroviseur. Il risque de perturber ceux qui attendent un Nowhere ou Going Blank Again bis. Très pop, accrocheur, il marque pourtant un retour aux influences des débuts.
Andy Bell et Loz Colbert, visiblement fiers d’avoir relancé la machine Ride, se confient sur les relations internes du groupe, la longue création de Weather Diaries et leur passion intacte pour The Cure, dont l’ombre plane sur une bonne partie de l’album.
Plus grand monde ne parle de Tarantula. Quel regard portez-vous aujourd’hui sur cet album à la suite duquel vous vous êtes séparés en 1996 ?
Andy Bell : Erol Alkan, qui a produit le disque, adore un titre qui en est extrait, Black Nite Crash. Je pense que c’est pour cette raison qu’il a accepté de travailler avec nous. Rien que pour ça, j’aime ce disque. Tu vois, on essaie de rester positif (rire).
Loz Colbert : Tarantula est une des raisons pour lesquelles nous nous sommes reformés. Nous n’étions pas satisfaits du résultat final. Nous savions qu’il était possible de mieux faire. Pourtant, Black Nite Crash est un des titres qui nous a valu le plus de retours positifs lors de notre tournée de reformation en 2015.
Les tous premiers concerts de reformation ont reçu un accueil mitigé, puis rapidement les critiques sont devenues excellentes. Avez-vous eu le sentiment à un moment de la tournée d’avoir franchi un cap ?
Andy : Nous avons annoncé une tournée de trois semaines en même temps que notre reformation. Quelques dates sont venues se greffer pour se remettre en selle. Un concert complètement fou à Oxford, et un autre vraiment mauvais à Coachella. Nous n’étions pas prêts. Le temps consacré aux répétitions était insuffisant. Le déclic s’est passé au début de la véritable tournée. Nous étions enfin redevenus un groupe. Ces concerts étaient fabuleux.
Est-ce à ce moment que la décision d’enregistrer un album a été prise ?
Loz : Étonnamment, non. Enregistrer un disque n’était pas notre priorité à ce moment là. Pourtant nous avions travaillé quelques pistes pour des chansons. C’est en 2015, quelques mois après la tournée, que nous avons sérieusement envisagé de rentrer en studio.
Avez-vous mis les choses au clair avant d’entrer en studio, afin d’éviter de reproduire les erreurs du passé ? Ces conflits d’égos qui vous ont amenés à vous séparer.
Andy : Nous n’avons pas ressenti ce besoin. Nos idées de départ étaient vagues. Elles se composaient surtout d’extraits de jams. Nous avons choisi de ne pas nous précipiter. Nous sommes partis chacun de notre côté pour passer du temps avec nos familles. Après ce break, nous avions tous une idée très claire de ce que nous voulions accomplir. Nos discussions et débats ont logiquement porté sur les chansons, pas sur nos conflits du passé.
Avez-vous composé séparément ou tous ensemble ?
Andy : Chaque membre est venu avec ses démos pour les proposer aux autres. Steve avec deux titres sans vocaux, et Loz avec un autre, plus complet. Quatre façons bien distinctes de composer se sont imposées à nous. Nous avons commencé les répétitions en nous posant de simples questions. Quels sont les titres qui sonnent comme Ride ? Quels titres s’imposent comme une évidence et quels titres ne mèneront jamais à rien ?
Loz : Nous avons été vraiment sélectifs. En tournée, nous avions accumulé vingt idées de chansons. Seules quatre se retrouvent sur Weather Diaries. Andy a apporté beaucoup de titres par la suite. J’ai trouvé ce mode de fonctionnement très sain. Pouvoir choisir entre autant de titres, et les travailler avant même l’annonce de notre retour en studio, a été un luxe. J’irais même jusqu’à dire que ça a apporté de la pureté à l’album.
On parlait beaucoup à l’époque de l’influence des Byrds dans votre écriture. De l’eau a depuis coulé sous les ponts. Quels sont les groupes autour desquels vous vous retrouvez aujourd’hui ?
Loz : Un journaliste nous avait surnommés les Byrds du 20ème siècle. J’ai toujours aimé cette formule.
Andy : Sauf qu’à l’époque, à part Mr Tambourine Man, je n’avais jamais écouté le moindre disque des Byrds ! Lorsque je m’y suis penché, j’ai tout de suite compris le rapprochement. C’était lié à la Rickenbaker. Je suis devenu instantanément obsédé par ce groupe. Au début de Ride, nos influences majeures étaient les Beatles et les Smiths. Un peu comme aujourd’hui.
J’ai l’impression, notamment sur Charm Assault et Lannoy Point d’avoir ressenti l’influence d’un groupe bien plus récent, DIIV. Je sais qu’Andy les apprécie beaucoup. Confirmez-vous ?
Andy : Oui, tu as raison. Je suis amoureux de ce groupe. Ils sont capables d’interactions entre guitares incroyables. Sans parler de leur son, vraiment unique. Leur influence est indéniable sur Charm Assault et Lannoy Point. On parle souvent de Shoegaze quand on évoque DIIV. Pourtant, ce n’est pas ce que je ressens. Ils nous ont avoué être fan de Ride, mais surtout s’être inspirés de certains de nos titres. Je suis fier de dire aujourd’hui que l’inverse est vrais. Sur Charm Assault, j’ai également ajouté un brin de mélodie à la Johnny Marr. Il était mon guitar hero quand j’étais adolescent.
Vous partagez également une influence commune avec DIIV, The Cure.
Andy : Oui, Seventeen Seconds a eu une grosse influence sur le dernier DIIV et sur Weather Diaries. Cure a toujours été une référence pour Ride. Nous avons terminé la tournée de reformation en ouvrant pour eux à Bestival, un festival sur l’ile de White.
Nous avons spécifiquement répété les titres de notre répertoire les plus adaptés à ce concert. Nous sommes allés dans la fosse pour assister à leur show après notre prestation. Ça m’a rappelé à quel point j’étais fan du groupe dans les 80’s. Je n’avais pas entendu certains classiques depuis tellement longtemps. Leur musique est si mélodique. La voix de Robert Smith était toujours aussi triste et ses paroles sonnaient sincères. C’était une telle claque que lorsque nous sommes rentrés en studio, la décision de s’inspirer de The Cure était une évidence.
Dès le morceau d’ouverture, Lannoy Point, vous mettez les synthés plus en avant. Ce sera récurent sur une bonne partie de l’album, All I Want en tête. Qui a proposé cette approche ?
Loz : Je pense que c’est parce que nous avons réalisé nos maquettes à la maison. Ça nous a permis de plus expérimenter que d’habitude. Lorsque j’ai fait écouter Rocket Silver Symphony au groupe, je pensais que ce serait la seule chanson avec une dominante synthétique sur l’album. J’ai été ravis de constater l’inverse. Steve venait d’acquérir du nouveau matériel quand il a composé Lannoy Point. Il s’est amusé avec pour apprendre à s’en servir.
Andy : L’électronique a souvent été présente dans notre musique. Leave Them All Behind en est un bon exemple. A un moment je me suis demandé si nous ne devrions pas enregistrer un album électronique. Je nous imaginais nous transformer en machines. Et puis Erol Alkan, notre producteur, nous a révélé une facette de lui que j’ignorais. Celle d’un producteur passionné de rock très direct.
Vous aviez repris The Model de Kraftwerk sur la compilation Ruby Trax en 1992. Étiez-vous déjà immergés dans la musique électronique à cette époque ?
Loz : Nous avons toujours été fascinés par la musique électronique. Lors de notre reformation, je me souviens d’un moment très précis passé avec Andy. Nous étions à Glasgow dans une boutique spécialisée dans le matériel pour les DJ. Nous sommes tombés sur des synthés Modular. Andy était fasciné, il a fini par en acheter un. Il en explore encore aujourd’hui toutes les facettes.
Andy : C’était la première fois que je voyais un instrument de cette marque. Il se trouvait dans la vitrine. J’ai été intrigué par ses possibilités. Le vendeur m’a fait une démonstration. J’ai appris à m’en servir au fur et à mesure que la tournée avançait. J’ajoutais de plus en plus de bribes synthétiques à nos chansons en concert.
Vous sortez à plusieurs reprises du cadre classique d’une chanson. L’utilisation du flanger dans Weather Diaries, la coupure sur White Sands. Quelle a été la part d’expérimentation en studio ?
Andy : White Sands est un titre basé sur la répétition. Nous avons voulu créer une rupture pastorale pour le rendre plus intéressant. Nous nous sommes inspirés des Beach Boys. Ça a donné une impulsion pour le reste de nos séances d’écritures. Pour Weather Diaries, c’est une histoire différente. Ce n’est pas un flanger que tu entends. Nous essayions de reproduire le son d’une tempête pour coller au thème de la chanson. Nous étions dans notre zone de confort en tentant de reproduire un bruit blanc à la Drive Blind. Soudainement, nous avons vu Erol arriver en courant, un micro à la main. Il se déplaçait dans toute la pièce, passant de la batterie à mon ampli. Il avait un casque sur les oreilles et entendait le morceau en direct. C’était le moment le plus épique de l’enregistrement, pourtant le résultat sonne exactement comme ce que nous avions en tête.
Malgré toutes ces expérimentations, Weather Diaries est probablement votre album le plus mélodique et catchy à ce jour. Les chansons entrent dans votre tête immédiatement. La mélodie est-elle votre principal critère de sélection ?
Andy : C’est primordial pour nous. Je n’ai jamais composé un titre sans partir d’une mélodie convaincante. Mais tu travailles tellement sur chaque aspect du disque, que tu n’arrives plus à savoir si tu as atteint les objectifs que tu avais en tête. Je prends ta réflexion comme un immense compliment car c’est le genre de retour que j’attendais.
Loz : Nous avons emprunté trop de chemins détournés par le passé. Cette fois notre volonté était d’aller à l’essentiel, de mieux communiquer nos idées.
Vous évoluez également au niveau du chant. Rocket Silver Symphony et son côté un peu naïf, mais aussi Cali, chanté un peu à la Felt.
Loz : Pour Rocket Silver Symphony, c’est moi qui chante. Je ne suis pas sûr à 100% de mon chant, j’ai donc utilisé quelques effets. Je voulais sonner un peu comme Lou Reed.
Andy : Pour Cali, il y a une séquence très Felt effectivement. Un peu à la Space Blues ou Primitive Painters. Quand j’y pense nous avons intégré beaucoup de nos influences marquantes dans ce disque.
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Crédit photos : Michela Cuccagna
Merci à Katia Gafarova