[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]A[/mks_dropcap]u milieu de la multitude de romans que cette rentrée littéraire nous propose se cachent des trésors qui ne demandent qu’à être découverts, et ce premier roman de Romane Lafore, Belle Infidèle, aux éditions Stock, collection Arpège, m’a littéralement éblouie quelque part entre Paris, Rome et les Pouilles, dans un dédale littéraire lumineux et tortueux, de quoi prolonger l’été et plus si affinités !
Julien Sauvage, traducteur de l’italien – tout comme Romane Lafore, qui est aussi éditrice pour le domaine étranger des Presses de la Cité – vivote de traductions de guides de voyage et de livres de cuisine, en nourrissant le désir de publier son premier roman, qui le guérirait à tout jamais de la perte de son grand amour, Laura, une belle Franco-italienne, qui l’a quitté depuis trois ans déjà mais qu’il n’arrive toujours pas à oublier. À son chagrin s’ajoute celui de la mort de sa mère, dont il dilapide l’héritage en attendant de trouver un sens à sa vie oisive sous les toits de Paris.
Jusqu’au jour où Françoise Rahmy-Cohen, grande éditrice parisienne, le contacte pour traduire ce qui s’annonce comme le succès du moment, le roman d’Agostino Leonelli, Rebus, fortement pressenti pour le prestigieux prix Strega, l’équivalent du Goncourt. Une aubaine pour Julien, qui s’empresse d’accepter l’offre tout en se demandant pourquoi l’éditrice fait appel à lui précisément qui n’a aucune expérience convaincante dans le domaine.
Ainsi débute la quête d’un rébus haletant, dans lequel le narrateur se retrouve aux prises avec ses propres souvenirs qui s’imbriquent avec ceux du personnage de ce roman, une forme de miroir littéraire où s’entrecroisent les vécus, les ressentis. Laura se superpose alors avec Rachele, le deuil du père fait écho à celui de la perte de la mère, les lieux eux-mêmes semblent familiers, les Pouilles, les années estudiantines, la rencontre avec l’amour. Julien cherche à comprendre ce qui se cache entres les lignes, la traduction devient obsessionnelle, viscérale… et il se demande si le choix du traducteur est le fruit du hasard… pourquoi lui ? Serait-il victime d’un jeu littéraire qui semble le rattraper ? Qui est vraiment Agostino Leonelli ?
«En deux cent cinquante pages, un homme que je ne connaissais pas avait résumé de ma vie tout ce qui, pensais-je jusqu’alors, la rendait différente de celle des autres.» (page 144)
Au-delà de ce récit rocambolesque, il est important de s’attacher au style de Romane Lafore, les nombreuses interventions en italien, sans traduction, comme si le lecteur lui-même était invité à se frotter aux belles infidèles, qui est un terme définissant les traductions libres de textes anciens essentiellement, afin de privilégier la forme au fond, dans un souci d’élégance stylistique.
Alors, libre à nous d’interpréter l’intrigue dans ce récit dans le récit, de nous laisser porter par les mots, comme Julien dans cette enquête protéiforme. Il est important de souligner la référence à Paolo Conte, dont la musique rythme le roman, à commencer par son titre, référence à la chanson Rebus. C’est donc en musique que je conclurai cette chronique en vous invitant vivement à découvrir ce merveilleux roman qui m’a accompagnée cet été, dans lequel j’ai plongé avec délice et que j’ai dévoré avec avidité et bonheur, car comme le chante si bien Paolo, Ah que rebus !