Longue nouvelle ou court roman que ce Sauvagerie de JG Ballard, dont le titre original est Running wild, paru pour la première fois en 1988 ? Les éditions Belfond sortent le livre en France en 1992 et les éditions Tristram le rééditent en 2008.
Ballard, chantre de l’écologie, en avance sur tout le monde dans ses premières œuvres, aborde ici le fait divers. Il se place d’emblée sous l’angle de la réalité, donnant des dates, des noms, des lieux, des précisions sur une enquête de police. Il choisit comme narrateur un consultant psychiatrique, le Dr Richard Greville, appelé à l’aide par la police pour résoudre le massacre de Pangbourne Village.
Dans un enclos résidentiel ultra protégé, 32 personnes sont assassinées. Tous les adultes sont découverts morts, tant les résidents que les employés. Des treize enfants vivant là, aucune nouvelle, aucune trace. Ils ont disparu.
Le roman est présenté par Ballard comme un extrait du journal médico-légal du Dr Greville. Ainsi lit-on toutes les réflexions de ce docteur, ses différentes théories, son enquête, ses recherches, ses doutes, ses rares certitudes. On se trouve plongé dans le même effroi que lui. Sur plusieurs mois, le Dr Greville enquête, se rendant sur les lieux de la sauvagerie, du massacre. Il inspecte les résidences, s’immisce dans la vie des parents pour tenter de comprendre. Tous les morts, les habitants de ce quartier résidentiel fermé, font partie de la haute société anglaise. Tous gagnaient très bien leur vie. Leurs enfants étaient extrêmement encadrés, fréquentant des écoles privées très sélectives et chères, ayant des activités auxquelles les parents participaient de manière active.
Greville énonce plusieurs théories. Certaines auxquelles il croit, d’autres absolument farfelues (comme celle intégrant les extra-terrestres et qu’il cite en faisant comprendre qu’il est perdu).
Sans trop dévoiler l’intrigue, on peut dire qu’une des enfants disparus va miraculeusement réapparaitre, trouvée par la police, hagarde et quasi privée de l’usage de la parole tant son traumatisme est grand. Le Dr Greville attendra un moment avant d’avoir l’autorisation de voir cette petite fille. Finalement Greville se fera sa propre opinion et la proposera à ses services qui auront des difficultés à l’accepter.
Ballard, dans ce court texte, se fait sociologue à travers son narrateur. Qui a tué ? Combien étaient les meurtriers ? Où sont passés les enfants habitant Pangbourne ? Et surtout, pourquoi tous les adultes sont morts et pas les enfants ?
Ballard, à travers son narrateur, analyse finement le mode de vie de ces couples de Pangbourne, se penche sur les activités des enfants. Interroge leurs amis. Fait des découvertes sur cette société ultra protégée et ce qu’elle peut créer.
Grande œuvre qui nous poursuit encore longtemps après sa lecture et qui nous pousse à nous interroger.
James Graham Ballard, Sauvagerie, traduit de l’anglais par Robert Louit, Éditions Tristram, janvier 2013