[dropcap]K[/dropcap]athleen vit au cœur des Blue Ridge Moutains, en Pennsylvanie, seule, à proximité de son lieu de travail, une petite boutique en bordure des bois, attenante à un motel qui reste vide une bonne partie de l’année. Débarque un jour d’hiver un étranger méfiant et apeuré qui s’installe dans une chambre du motel sans pouvoir préciser la durée de son séjour. Au fur et à mesure que celui-ci se prolonge, Kathleen va apprendre à faire sa connaissance et découvrira peu à peu son histoire, tandis que son propre drame, longtemps occulté, va progressivement refaire surface.
« Nos monstres ordinaires. Que sommes-nous censés voir quand nous les regardons – leur monstruosité ou leur banalité ? »
Sarah St-Vincent.
Appuyant son récit sur une trame au premier abord plutôt basique et déjà vue, Sarah St Vincent fait rapidement preuve d’une ambition plus grande et tisse autour de cette rencontre entre deux écorchés un canevas de récits secondaires, qu’elle ne développera pas tous de la même manière mais dont l’ensemble donne à son roman une profondeur que l’on n’attendait pas forcément.
Ainsi que l’autrice s’en explique dans la postface, Se cacher pour l’hiver se veut avant tout un livre sur les violences conjugales. Si le thème est effectivement présent à travers l’histoire de Kathleen et constitue un des piliers du livre, Sarah St Vincent emmène finalement son propos bien plus loin que ce postulat de départ et son statut d’avocate spécialiste des droits de l’homme n’y est sûrement pas pour rien. Il apparaît en effet très vite, au fil du récit, que chacun des personnages que nous allons y croiser porte en lui sa part d’ombre. Il faut apprendre à vivre avec ses fantômes ou ses erreurs et tous les protagonistes du roman le savent, certains depuis peu alors que d’autres semblent avoir porté ce fardeau leur vie durant. En s’attachant à décrire avec finesse et nuances certains personnages secondaires, Sarah St Vincent parvient ainsi à évoquer dans ses pages des thèmes aussi universels que le mensonge et la trahison, la peur et le regret ou la violence inhérente à l’homme. Qu’ils soient en quête de pardon ou sur le chemin de la résilience, ses protagonistes sont tous sur un chemin accidenté dont la fin semble ne jamais approcher.
Puis il y a les absents, ceux qui sont à la guerre, comme le frère de Kathleen ou le mari de Beth, sa meilleure amie. Là encore, la romancière, en quelques lignes ici et là, au fil du récit, met en lumière cette capacité de l’homme à se battre, cette aptitude à la guerre, à travers les âges et les lieux. Pas de manichéisme ici, juste le constat froid et lucide que, partout, des hommes en ont enfermé et torturé d’autres, de tous temps.
Noir sans être désespéré, Se cacher pour l’hiver constitue une belle surprise de cet automne et prend progressivement de l’épaisseur au fil de ses 340 pages. Sarah St Vincent procède par petites touches et étoffe son récit avec une maîtrise que l’on ne pourra que saluer. S’appuyant sur des faits historiques réels autant que sur l’expérience et l’engagement de son autrice, ce roman constitue une des bonnes surprises de l’automne.
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Se cacher pour l’hiver de Sarah St Vincent
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Éric Moreau
Delcourt Littérature, 14 octobre 2020
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Image bandeau : Blue Ridge Mountains (United States) by Clark Wilson on Unsplash