[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]E[/mks_dropcap]n 1993, un journaliste du regretté Melody Maker avait déclaré préférer «mourir étouffé dans un bain de porridge» plutôt que de devoir écouter à nouveau un titre de Slowdive. Pourtant culte depuis leur séparation en 1995, leur influence s’entend dans des groupes comme DIIV qui affirme sans façon piller régulièrement le quintette britannique. Le groupe revient aujourd’hui avec un nouvel album, sans titre, qui ne regarde pas dans le rétroviseur. Nous avons rencontré son principal auteur, Neil Halstead, qui nous a confié la difficulté de redevenir un groupe et la facette plus pop du Slowdive de 2017.
Depuis la séparation du groupe, Slowdive est devenu une référence, un groupe culte alors que beaucoup ne vous prenaient pas aux sérieux à l’époque.
Quel regard portiez-vous sur votre carrière pendant les années post-Slowdive ?
Nous avons toujours été fiers de nos disques. Le premier était l’aboutissement de plusieurs années de travail. Plus que la qualité du disque, c’est un souvenir à jamais gravé dans nos mémoires. A l’époque de Pygmalion, nous étions de bien meilleurs musiciens. Nous avions le sentiment d’avoir accouché d’un disque important. Pourtant le groupe se désintégrait et notre label, Creation, nous a virés une fois l’enregistrement terminé. Des six années passées ensemble, nous ne gardons que les meilleurs souvenirs. Tu te rends compte, Creation était notre label préféré à l’époque. Nous n’avions que 17 ans quand nous avons signé avec eux.
Votre son a marqué une époque. Vous êtes depuis passés à autre chose.
Ça a été difficile de redonner une identité au groupe pour créer un nouvel album ?
C’était étrange. Quand nous avons décidé de nous reformer, notre motivation était d’enregistrer un disque. Il nous a fallu plus d’un an de concerts pour retrouver la complicité que nous avions à l’époque. Juste pour redevenir Slowdive. Nous n’avions aucune idée du type de disque que nous allions créer. De mon côté, j’ai sorti des disques de folk, Simon de l’ambient, Christian de l’indie. Nous nous sommes accordés quelques jours en studio à différents moments de la tournée. Juste pour voir où ça nous menait. J’apportais des idées puis nous commencions à jammer. Au bout d’un an, tout a commencé à prendre forme. Le process a été organique. En ce sens, rien n’a changé. Nous avons toujours procédé de la sorte. On parle très peu de la direction qu’on veut donner à nos disques.
Avez-vous tenté de travailler sur de vieux titres que vous n’aviez pas finalisés à l’époque ?
Nous en avons parlé avant de commencer à composer. Certains d’entre nous avaient écouté de vieilles démos. Il y avait des idées intéressantes. Pourtant, nous étions unanimes. Il fallait repartir sur de nouvelles bases. Nous ne voulions pas nous projeter vingt ans en arrière.
Le côté plus pop de l’album étonne dès la première écoute.
Comment êtes-vous arrivés à un tel résultat ?
L’album est plus pop que ce que j’avais en tête. J’en ai été le premier surpris. Slowdive a toujours eu deux facettes. Dès les débuts du groupe nos EP se composaient de deux morceaux pop en face A et de deux morceaux atmosphériques en face B. C’est un bon résumé de la musique de Slowdive. Je pensais sincèrement que nous allions nous orienter vers un disque d’ambient. Le son est légèrement plus pop, on reste dans un territoire familier. Slowmo, un des longs titres de l’album est pour moi un excellent résumé de ce que Slowdive a toujours été.
L’excellent single Star Roving paraît même taillé pour la radio.
Je suis d’accord. Pourtant à aucun moment nous n’avons travaillé ce titre comme un single potentiel. Je ne crois plus trop au pouvoir d’un single. Quand nous avons commencé, les groupes comme nous ne passaient que dans l’émission radio de notre idole absolue, John Peel. A la limite, aujourd’hui il y a 6 Music [station de radio de la BBC spécialisée dans les musiques alternatives, ndlr]. Mais les habitudes changent. Je dévorais la presse, fouinais chez les disquaires. Maintenant je me contente de lire les recommandations du staff Piccadilly Records sur leur site internet et je commande en ligne.
On a plus le sentiment d’écouter un groupe soudé que sur vos albums précédents.
Comment s’est passé l’enregistrement ?
Nous avions besoin de nous sentir soudés. Je suis content que ça s’entende. C’est probablement la raison pour laquelle nous n’avons pas réalisé de grand écart musicalement. Nous avions besoin de nous rassurer et de nous sentir à nouveau comme un groupe. L’enregistrement s’est effectué sereinement. Nous avons passé de longues heures à jammer. Il y a eu un gros travail d’editing derrière. Simon s’est amusé comme un fou. Il a un programme qui lui permet de tout filtrer. Sur Falling Ashes, je jouais du piano en studio et il était assis derrière moi avec son ordinateur pour tout trafiquer en direct.
La technologie actuelle a dû vous faciliter la vie.
Il nous aurait été impossible de faire sonner l’album de la même façon il y a vingt ans. A l’époque de Pygmalion, nous utilisions déjà beaucoup de technologie. Mais de manière basique. Nous n’étions pas vraiment expérimentés et le matériel était plus rudimentaire. Il n’est plus nécessaire d’investir dans un sequencer ou un sampler. Un ordinateur suffit. Nick n’avait pas mis les pieds dans un studio depuis deux décennies. Il a eu un choc. Il cherchait les bandes magnétiques partout ! (rires).
Pourquoi avoir choisi de travailler aux Oxford’s Courtyard Studios, endroit que vous connaissez-bien ? Vous y avez enregistré vos deux premiers albums.
Aviez-vous besoin de confort ?
Le studio appartient toujours à Chris Hufford qui nous a aidé à produire nos deux premiers disques. Au détour d’une conversation, il m’a proposé de venir enregistrer chez lui. L’idée nous a plu car, au fond, se retrouver dans un endroit familier nous faisait du bien. Nous avions passé de bons moments là-bas. Et chose incroyable, le studio est exactement le même qu’à l’époque. Jusqu’au sofa ! (rires). Nous y sommes restés deux semaines. Mais nous avons aussi passé du temps aux studios Whitehouse dans lesquels nous avions enregistré nos toutes premières démos. C’était un moyen de plus pour redevenir Slowdive.
Comment vous-êtes vous arrêtés sur le choix de Chris Cody (Yeah Yeah Yeahs, Beach House, TV On The Radio) pour produire l’album ?
Nous voulions absolument quelqu’un pour travailler avec nous sur l’album. Chris figurait sur une liste que nous avions établie. C’est son travail avec Beach House qui nous a séduits. On lui a envoyé un morceau qu’il nous a retourné mixé. On a adoré. Quelques temps après, nous étions avec lui dans le légendaire studio Sunset Sound à Los Angeles. Les Doors, Frank Sinatra et les Beach Boys y ont enregistré. C’est la première fois que quelqu’un d’extérieur au groupe s’affirme en tant que producteur. Nous voulions une personne capable de donner du sens à tous les titres sans queue ni tête que nous avions enregistrés (rires).
Vous êtes passés d’une extrême à l’autre.
D’un territoire familier à l’inconnu.
Oui, et tout s’est étonnamment bien passé. C’était inattendu. Le jour où nous mixons le dernier morceau était celui des élections aux USA. La télévision était allumée dans le studio. Je n’oublierai jamais le sentiment de désarroi autour de moi quand Trump a été élu. Nous nous sommes presque dit qu’il était temps pour nous de rentrer à la maison (rires).
Aviez-vous le marché américain en tête ?
Pas du tout. Nous n’avons jamais abordé le moindre titre de Slowdive sous un angle commercial. Probablement en notre défaveur car nous avons raté des opportunités.
Vous avez choisi de ne pas donner de titre à l’album, comme si celui-ci se suffisait à lui-même.
Pourquoi ?
C’est comme une déclaration. Nous sommes Slowdive et voilà ce que nous sommes capables de créer aujourd’hui. C’est aussi un clin d’œil à notre premier ep qui n’avait pas de titre. Nous avions plusieurs noms d’albums en tête, mais je pense qu’il était inévitable de revenir avec un album éponyme.
Après l’album de Minor Victories dans lequel Rachel prenait de l’ampleur vocalement, on aurait pu s’attendre à un traitement similaire sur ce nouvel album. Or sa voix reste toujours en retrait.
Pourquoi cette décision ?
C’est plus dû aux autres membres de Slowdive qu’à Rachel. Nous avons tous une vision du son du groupe et on essaie de s’y tenir. Rien n’est imposé. Nous en parlons ensemble. C’est pareil pour moi, mes paroles sont fondues dans le mix. Minor Victories est un projet différent, les voix sont mixées plus en avant. Si je suis honnête, ce n’est pas ce que je préfère.
Crédit photo : Michela Cuccagna
Merci à Agnieszka Gérard
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