[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]L[/mks_dropcap]e Mans, riante bourgade de 30, 40, 142.000 habitants accueillait ce mardi 18 octobre le sémillant Robin Proper Sheppard et son groupe Sophia. Comme vous le savez tous, le groupe écume actuellement plusieurs centaines de salles en France et ce dans le cadre d’une tournée hexagonale triomphale.
OK, si vous avez suivi les derniers épisodes, vous allez vous dire que je suis probablement en fond de cuve et qu’on devrait peut-être avancer ma prochaine injection.
Pourtant, si je me permets d’être un tantinet ironique pour débuter ce compte-rendu, c’est simplement pour pousser une légère gueulante : Le Mans, 142.000 habitants, comprenant plus de 10.000 étudiants, a la chance inouïe de recevoir l’une des deux dates françaises de Sophia. Une des deux dates ! Et vous savez quoi ? Seuls quarante et quelques clampins s’étaient retrouvés pour célébrer cet événement. Une quarantaine ! Soit à peu près 0,02% de la population mancelle à s’être déplacée. Sachant qu’en plus, parmi ces personnes, certaines venaient d’autres départements… Bon, maintenant si on regarde par l’autre bout de la lorgnette et qu’on positive, on peut se dire qu’à peu près 141.960 personnes ont loupé un excellent concert. Honte à elles et joie à nous parce que Sheppard, que nous soyons 30 ou 142.000, s’en tamponne allègrement le coquillard et joue comme si la salle était bondée.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]D[/mks_dropcap]igression mise à part, passons aux choses sérieuses et au concert proprement dit : après une fausse joie à l’entrée (regarder son billet, voir écrit dessus Sophia– Mathieu Malon–Orso Jesenska, exulter devant le gars qui vous remet le ticket puis s’entendre dire qu’on aurait bien aimé mais non), c’est avec une réelle joie qu’arrive sur scène Kris Dane, sa guitare acoustique et ses pédales d’effet. Le Belge (ex-Ghinzu et dEUS) entame son mini set (à peine 25 minutes) pendant lequel on a pu écouter un blues revisité par des feulements, quelques cris sauvages, vu passer les fantômes de Simon & Garfunkel, Bruce Springsteen ou encore Buckley fils et enfin un Kris Dane bien présent, habité par sa musique. Sans être renversant, le set fut charmant et Dane parfait pour introduire Sophia.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]Q[/mks_dropcap]uelques minutes plus tard, alors que les lumières s’éteignent, que s’égrainent les notes d’Unknown Harbours, Sheppard et ses quatre musiciens débarquent sur scène non pas depuis les coulisses mais en traversant la …hum… foule (ne vous inquiétez pas, ça n’a pas été l’émeute, il n’y a eu aucun blessé, les musiciens sont tous arrivés sur scène entiers). Le temps qu’Unknown Harbours se termine, les gars, qui semblent tous avoir entre vingt et trente cinq balais, empoignent leurs différents instruments et envoient la sauce lors d’un Resisting tout en muscle. Pour son concert au Mans, Sheppard a choisi la même formule que Peter Walsh des Apartments pour son retour en France avec No Song : jouer l’intégralité du nouvel album et revisiter ensuite les anciens morceaux. Sauf que là où Walsh faisait preuve d’une certaine unité, Sheppard, lui, va livrer une prestation plutôt bipolaire. Le groupe va donc jouer dans l’ordre et de de façon très appliquée As We Make Our Way sans s’écarter des morceaux originaux. C’est carré, pro mais ça ne laisse aucune place ou presque à l’improvisation. De plus, on sent Sheppard un peu tendu, très concentré, ne s’adressant quasiment pas au public, les remerciant de façon polie, sans véritable chaleur. Ce n’est que vers St Tropez que le groupe commence à se détendre, jouant plus libéré, de façon plus instinctive. Il gagne encore en tension sur You Say It’s Alright violent et flippé pour complètement se lâcher avec un It’s Easy To Be Lonely absolument magnifique, sur lequel plane le fantôme de God Machine. A partir de ce moment-là, une fois As We Make Our Way terminé, c’est à un autre concert auquel nous allons assister. Sheppard, entre deux morceaux, se détend sérieusement, commence à déconner et à chambrer le public en demandant à ceux présent dans l’assistance (et avant d’entamer So Slow) si quelqu’un connaissait Sophia avant. Devant le peu de mains qui se lèvent, il les compte et finit par dire : « Dix sur Quinze, c’est pas mal en effet. » Puis il charrie son groupe, nous avouant également que c’est le premier concert qu’ils font ensemble depuis le changement de line-up (ceci expliquant probablement pourquoi le groupe semblait si concentré lors de la première partie).
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]E[/mks_dropcap]n attendant, Sheppard entame la seconde partie avec Bad Man de De Nachten enchaîne avec So Slow puis, plutôt que suivre la set-list prévue, improvise au gré de son humeur en nous gratifiant de certains morceaux qu’il n’avait plus interprétés depuis près de dix ans (le rare Razorblades notamment). Chaque album de sa longue discographie sera représenté par un ou deux morceaux (exception faite de There Are No Goodbye), alternant moments intimes (Another Friend, Birds) et décharges électriques intenses. A tel point que le groupe finit même par mettre les deux pieds dans le metal lors d’un The River Song final renversant et tympanicide pendant lequel tous les membres laissent libre court à leurs bas instincts. Le batteur, remarquable de maîtrise et de retenue tout au long du concert, se lâche enfin, Rémy Bricka, au fond à gauche, abandonne ses instruments (kazoo avec pédale d’effets, synthé, maracas, etc.) pour ajouter une troisième guitare alors que les deux autres s’excitent sur les leur au point de ne plus avoir d’ongles à la fin du concert (excuse qui arrangera bien Sheppard pour ne pas avoir à ouvrir les vinyles encore scellés lors de la séance de dédicaces, soit dit en passant).
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]T[/mks_dropcap]oujours est-il que plus Sheppard se libère, plus le groupe se détend, plus leur slowcore, a contrario, se fait sec et neveux et plus la magie opère. En sus du décrochement de mâchoire présent lors d’It’s Easy… les frissons se font de plus en plus présents (notamment sur Another Friend ou Desert Song/Darkness) et finissent même par se combiner au décrochement lors de The River Song, syncopé et impressionnant faut-il le rappeler. Bref, le concert décolle haut, très haut et ne redescendra pas; le public, un peu dispersé au début, se fait plus présent et applaudit de plus en plus chaleureusement la prestation des Anglais. Après pas loin de deux heures de spectacle, le set se termine sur deux rappels. Deux chansons que Sheppard aurait bien aimé que le public choisisse mais qui, faute de compréhension mutuelle, restera lettre morte. Ce qui ne l’a en aucun cas empêché de les jouer et surtout, n’a rien changé au fait que les spectateurs présents semblaient plus que satisfaits de la prestation en le faisant vivement savoir à Sheppard qui les gratifiera d’un: « Vous êtes formidables, merci. » C’était réciproque Robin, c’était réciproque.
Merci à Lau Lexicco pour ses superbes photos ainsi qu’à l’équipe de Monopsone et à celle des Saulnières pour avoir permis la venue de Sophia au Mans (je n’ose imaginer les tractations et autres pots-de-vin qu’ils ont du mettre en place…).
Si vous ne l’avez pas encore, As We Make Our Way est toujours disponible chez tous les disquaires ou directement sur le bandcamp du groupe :
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