T[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#e8b835″]T[/mks_dropcap]out commence dans un village de l’arrière-pays du Portugal. Dans la nuit de l’hiver 84, un objet tombe du ciel en créant une explosion qui réveille les habitants de Galveias. Tout le monde sort, s’interroge, élabore des théories plus ou moins vraisemblables. Cette « chose sans nom » laisse après sa chute une persistante odeur de soufre inondant tout le village. Après cet épisode, deus ex machina placé en préambule du récit, José Luis Peixoto va décrire à chaque chapitre un moment de vie d’un(e) habitant(e).
En choisissant de faire tomber du ciel cette « chose sans nom », l’auteur déroule une mythologie, par touche individuelle, du déclin d’un village de campagne. Il fait de ces personnages des êtres naviguant entre violence et fragilité. Tel Le Miau, Le José Cordato ou Isabella, chacun est décrit avec la dureté équivalente à son histoire. Sans misérabilisme, surtout sans concession, on aborde leur vie par les petites portes des maisons basses de Galveias. L’écriture se fait parfois rude mais on sent que Peixoto est attaché à ces êtres qui vivent la transition du monde rural.
Situant ces histoires à deux périodes : Janvier et Septembre 1984, le lecteur est le témoin par le biais d’un élément fictif tombé du ciel de la vie d’un village portugais. Cette époque est marquée par le déclin des habitudes et du lien entre les villageois. Ce soufre qui envahit tout, du pain aux esprits, est le révélateur de l’extrême difficulté du vivre ensemble. Ces villageois perdent leur capacité à se comprendre et à s’accepter.
L’écriture de José Luis Peixoto est nourrie d’une envie de raconter des petits moments de vies par une grande histoire fictionnelle les rassemblant. Comme attaché à l’aspect imaginaire du récit, il ne lorgne jamais vers un style documentaire. Toutes les histoires de Soufre sont immergées dans la fiction. Elles n’en sortent pas mais témoignent du déclin d’un village. Cela pourrait se passer n’importe où. Cette « chose sans nom » aurait pu tomber en France ou en Angleterre. C’est pourtant Galveias qui se réveille avec cette odeur de soufre. Peixoto montre l’étrange comportement humain confronté à sa condition d’être social et mortel.
Soufre de José Luis Peixoto
traduit par Ana Isabel Sardinha Desvignes et Antoine Volodine, paru le 7 Septembre 2017 aux éditions du Seuil