L’été meurtrier de Sébastien Japrisot
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]C'[/mks_dropcap]était l’été 2006. En février ou en mars. Loin de chez moi je prenais de l’avance sur tout le monde. Je me trouvais dans un bus en direction de Bondy Beach dans la banlieue de Sydney, j’allais y admirer les surfeurs et leurs copines. Je n’avais pas composté le billet. Mon côté voyou sans doute.
À l’époque je me gavais de littérature en langue anglaise que j’empruntais dans les auberges de jeunesse. Je mettais un point d’honneur à lire en version originale afin d’améliorer mon niveau. Ainsi, sur cette plage où les vagues furieuses arrachaient les shorts de bains portés déjà bas par ces surfeurs magnifiques je me délectais du Da Vinci Code par le délicieux Dan Brown.
À mon retour je compostai finalement mon billet et m’assis au fond du bus me donnant ainsi le sentiment de la puissance.
Non loin de moi, une jeune fille tournée vers l’arrière lisait un livre en français. Elle pleurait. J’ai pensé « tiens, encore une dépressive ». J’ai noté le titre du livre tout de même. Au cas où. Quelques jours plus tard je me suis rendu dans une librairie qui, par chance, possédait l’ouvrage. Après en avoir fini avec l’Opus Dei et les descendants du Clovis qui sont ainsi qu’il a été révélé les descendants du Christ je décidai de m’accorder une parenthèse en français, moyen pour moi de me remettre de mes émotions.
C’était « L’été meurtrier » de Sébastien Japrisot. Le premier paragraphe est complètement génial. C’est souvent le cas dans les romans car les écrivains aiment bien épater la galerie. Le problème est qu’après avoir fait les fiers, après avoir fait frimer leur plume, ils se relâchent. Le lecteur indulgent comprendra qu’il n’est pas aisé de bander pendant 300 pages. Japrisot pourtant y parvient. Chacune de ses phrases est un petit matin de Noël. Il faut les lire. Il faut voir Pin-Pon devenir fou. Il faut tomber amoureux d’Elle. Il faut entendre parler la vieille sono cassée. Il faut imaginer le torse de Bou-Bou et les craintes de la mère.
Depuis, chaque été, tandis que le bitume chaud arrache des cuissards portés serrés par des coureurs magnifiques, je pense au père : il est là en train de traîner son vieux piano mécanique, il est là qui se laisse pousser ses moustaches parce que Coppi est mort, il est là à regarder pleurer ses fils. Et je reprends de l’avance.
L’Été Meurtrier de Sébastien Japrisot, paru chez Folio Policier, 1977
Les ouvrages de Grégory Nicolas ont été publiés aux Éditions Rue des Promenades
Retrouvez son dernier roman, Mathilde est revenue (et en chronique sur Addict-Culture)
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Merci à Grégory Nicolas de nous avoir offert ce texte.