[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]I[/mks_dropcap]l fut une époque, certes assez lointaine, où les musiciens virtuoses dans les groupes rock étaient monnaie courante, provoquant des traumatismes aux guitaristes en herbe qui s’évertuaient à reproduire des plans qui, même en jouant dix heures par jour pendant trente ans, étaient impossible à reproduire. Pas facile de faire des solos avec les dents en mettant la guitare derrière ses oreilles. Jusqu’au jour où, tout d’abord les punks, ensuite les groupes indie, sont venus ringardiser tout ça.
Depuis quelques années cependant, on assiste à un retour d’une certaine virtuosité. Et on se surprend à aimer. De là à ressortir sa raquette de tennis Dunlop en bois et se planter devant le miroir de sa salle de bain en faisant des moulinets avec ses bras, il n’y a qu’un pas.
Steve Gunn fait partie de ces nouveaux venus qui sont nés avec des doigts en or. Mais pas que. Le natif de Philadelphie, comme un certain Kurt Vile qui joue un peu dans la même cour d’ailleurs, sait aussi composer. Eyes On The Lines, son précédent disque, était de ce point de vue assez bien écrit, en tout cas supérieur à ce qu’il avait fait jusque maintenant.
J’ai une assez bonne nouvelle à vous annoncer : The Unseen In Between, quoique légèrement différent dans la forme, est du même tonneau.
Ce qui différencie cet album des précédents, c’est que les riffs « héroiques » sont moins présents. La guitare, americana comme il se doit, est un tantinet plus laid back, l’effet étant d’avantage mis sur la construction de chansons peut-être un peu plus classiques.
On reconnait de ci de là des airs à Fleetwood Mac, comme sur Vagabond par exemple, bien aidé en cela par Meg Baird, qui prête sa voix délicate à la chanson. L’ombre de Nick Drake se fait aussi parfois entendre par le biais de sa voix. Si l’album est électrique, il se drape aussi d’atours folk d’un classicisme réconfortant (Stonehurst Cowboy, Luciano).
Steve Gunn sait aussi se montrer hypnotique, comme sur New Familiar, où la guitare distille ses quelques notes répétitives et évoque un charmeur au milieu d’une marre de serpents à sonnettes. Et c’est précisément ce qui fait de lui un acteur précieux de ce genre de musique. C’est un metteur d’ambiance. Cotonneuse, hypnotisante, narrative. Ses chansons sont des histoires à écouter au coin du feu, au volant de sa voiture sur une route nationale, dans un bar…N’importe où fera l’affaire. Pour qui veut s’en donner la peine.
Lui, en tout cas, vous offre ses moyens.
Steve Gunn, The Unseen In Between
chez Matador le 18 janvier 2019
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