[dropcap]A[/dropcap]u départ, la nouvelle avait de quoi foutre les jetons : suite à l’annulation pandémique de sa tournée mondiale, Taylor Swift collaborait sur un nouveau disque avec le gars de The National. On pouvait craindre un album à encéphalogramme plat, calibré pour tourner en heavy rotation sur toutes les antennes de Radio France jusqu’à la fin du coronavirus. Difficile a priori de s’enthousiasmer à l’idée de duos entre la petite fiancée de l’Amérique blanche « ok elle fait de la soupe mais en vrai elle est hyper douée comme quand Miley Cirus reprend Jolene tu vois » et cette grande baderne cabotine de Matt Berninger. Heureusement c’est l’autre National qui s’y est collé, Aaron Dessner (le guitariste qu’a aussi son frangin dans le groupe) (spéciale dédicace aux tenants du « The National c’est vraiment le Radiohead du pauvre »). Dessner est un habitué du genre, qui a déjà coproduit quelques disques tout-à-fait recommandables dont le Tramp de Sharon Van Etten.
Avant même de poser le disque sur la platine, on se doute que sous ce patronage, Folklore fera davantage dans la ballade introspective que dans la bombinette dansante à la Shake it off. Après l’avoir posé sur la platine, on réalise vite qu’il s’agit sans doute du disque grand public le plus élégant de l’année. Et d’un vrai disque de Taylor Swift, pas d’une collection de faces B de The National sur lesquelles la blonde aurait plaqué sa voix techniquement impeccable mais assez neutre – en même temps, quand on se forme les cordes vocales à la country, mieux vaut rester sobre. Un disque de Taylor Swift, ou plutôt un disque dont on sentait Taylor Swift capable sans trop oser l’espérer.
The 1 ouvre l’album sur une ballade à chanter entre amis autour d’un feu de camp en claquant des doigts avant d’aller tester le polyamour dans la Quechua collective.
Cette veine de titres calmes et racés, vivifiée par la dynamique particulière du phrasé de Swift (qui tient son prénom du grand chanteur folk James Taylor, la pomme ne tombe pas loin du pommier) n’est quasiment jamais ensevelie sous des synthés et des chœurs qui savent rester discrets. Elle illumine le délicieusement 90s Mirrorball, le délicat Seven, un August qui invoque les Sundays et la doublette intimistes Peace (dont la partie vocale a été enregistrée en une prise) et Hoax qui ferme le ban.
Dans l’intervalle figurent quelques morceaux plus richement orchestrés, tels que le single crève-cœur Cardigan, My tears ricochet et Illicit affairs, et une poignée de titres enlevés ciblant le cœur des fans américains comme The last great american dynasty et Betty. Mais aussi des friandises complètement inattendues sur un disque de Taylor Swift, comme la prière à Kate Bush Epiphany et un This is me trying carrément cold-wave.
Ce n’est pas un hasard si la question Google la plus récurrente pour ce disque est « What genre is Taylor Swift folklore ? » : on imagine aisément l’incompréhension initiale des admirateurs transis de la mégastar. Même Exile, le duo lourdingue avec Bon Iver (attention, pléonasme), mérite sa place à la grâce de quelques harmonies vocales de haut rang. Côté textes, Taylor Swift a appris, après avoir délayé jusqu’à l’écœurement les émois adolescents sur sept albums de rang, à manier les images avec suffisamment d’élégance pour ici donner vie au fantôme de Rebekah Harkness, à une veuve enragée et à des alcooliques repentants ; elle s’amuse même à interpréter sur trois titres les différents rôles d’un triangle amoureux, et fait souvent mouche dans une écriture très américaine remontant au prophète Dylan. Au final, Folklore constitue un parfait exemple d’œuvre collective supérieure à la somme de ses parties, ce qui témoigne de l’intelligence musicale de Dessner et, avant tout, de Swift. Surtout, c’est un sacré paquet de sacrés belles chansons.
Et toi, t’as fait quoi pendant le premier confinement ?
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Folklore de Taylor Swift, Juillet 2020
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Image bandeau : Illustration signée Cécile Le Berre