[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#6ABFD4″]T[/mks_dropcap]he Divine Comedy vient de sortir son nouvel album, Office Politics. Ce disque est une déclaration d’amour à la musique qui passionne Neil Hannon depuis son adolescence : la pop et l’electro pop anglaise de la fin des 70’s et du début des 80’s. Comme à son habitude, cela est fait avec intelligence et humour, mais aussi en prenant quelques risques. Le principal étant de légèrement dérouter les fans hardcores du groupe. Dans cet entretien pour Addict Culture, Neil Hannon évoque son besoin de rompre la routine en ressortant ses vieux synthés, son incompréhension de la pop actuelle, son rapport à la drogue. Il nous dévoile également un scoop qui ravira les fans de la première heure.
Foreverland était jugé comme un retour en grande forme de Divine Comedy. Cette réception positive a-t-elle boosté ton ambition pour ce nouvel album ?
J’ai pour ambition de réussir mes albums et qu’ils soient appréciés. En termes de reconnaissance, depuis le début des années 2000, je fais mon travail et je croise les doigts pour que tout se passe bien (rire). Je ne raisonne plus en termes de singles à placer dans les charts. Je n’essaie même plus de coller à l’air du temps. Je fais des disques, c’est tout. Foreverland a eu du succès, mais je ne sais pas pourquoi. C’était un accident (rire). Si j’essayais de reproduire la même chose, j’irais droit dans le mur. Une majorité des titres d’Office Politics ont été composés au même moment que ceux de Foreverland entre 2012 et 2013. Ils sonnent pourtant différemment.
Office Politics est probablement l’album le plus varié de ta carrière. Comment expliques-tu cette diversité ?
[mks_pullquote align= »left » width= »250″ size= »20″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#6abfd4″] « J’ai pensé qu’il était temps que je m’amuse un peu. Du coup, j’ai ressorti mes vieux synthétiseurs et mes boîtes à rythme. J’ai un peu pété un plomb ! » [/mks_pullquote]
J’ai commencé à m’ennuyer. J’ai toujours été un gros fan de pop synthétique et de pop anglaise de la fin des 70’s et du début des 80’s. Madness, Elvis Costello, Adam & The Ants. Ce sont les groupes de mon adolescence. Ils me rendent nostalgique. Je ne m’étais jamais aventuré sur ces territoires.
Ces dernières années, j’ai beaucoup travaillé sur des projets parallèles, certains très sérieux. J’ai pensé qu’il était temps que je m’amuse un peu. Du coup, j’ai ressorti mes vieux synthétiseurs et mes boîtes à rythme. J’ai un peu pété un plomb (rire). Deux types de chansons sont ressorties du lot. Certaines sur les relations humaines, d’autres sur l’anxiété. Pas de chance pour vous, Office Politics est l’album étrange qui traite de l’anxiété (rire).
Tu devais avoir un bon stock de chansons, Office Politics est un double album.
Je voulais sortir un double album depuis longtemps. C’est 100 % lié à mon égo. J’ai grandi dans les années 70, en étant fan d’ELO. J’ai voulu sortir mon Out Of The Blue. Ça m’a donné l’occasion de publier des morceaux auxquels je tenais qui auraient été écartés sur un album plus court. Je pense que la longueur d’Office Politics risque de déranger certaines personnes. La première fois que je l’ai écouté, je me suis endormi. J’avais une bonne excuse : je venais de le terminer à l’instant même. J’étais épuisé (rire).
[mks_pullquote align= »right » width= »250″ size= »20″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#6abfd4″] « Je vais dans mon studio et je crée des sons. J’essaie de ne pas avoir une approche trop prescriptive. Je tâtonne. Pour la première fois, certains de ces tâtonnements se sont retrouvés sur Office Politics. C’est exceptionnel pour moi. » [/mks_pullquote]
Office Politics donne l’impression que c’est le disque pour lequel tu as pris le plus de plaisir. Est-ce le cas ?
Personne ne me tient en laisse. Je peux gambader où je veux et m’amuser. J’ai un job de rêve. J’adore ce moment quand un projet se termine. Tu rentres juste de tournée et traîne à la maison. Je finis toujours par me dire : je vais pouvoir écrire un nouvel album. Deux trois jours par semaine, je vais dans mon studio et je crée des sons. J’essaie de ne pas avoir une approche trop prescriptive. Je tâtonne.
Pour la première fois, certains de ces tâtonnements se sont retrouvés sur Office Politics. C’est exceptionnel pour moi. Philip and Steve’s Furniture Removal Company n’est pas une chanson. Je trouvais le résultat intéressant et il collait bien à l’image de ce que je voulais pour l’album.
Si ce nouvel album surprend à la première écoute par sa diversité et ses expérimentations, dès la deuxième, il donne l’impression d’être familier, qu’aucun autre artiste n’aurait pu le composer. As-tu veillé à sa cohérence d’ensemble ?
Les gens ont une image de Divine Comedy liée à l’Harpsichord, aux cordes. En résumant grossièrement, à la musique de chambre. J’ai peut-être trop abusé de ces instruments. Je n’ai jamais eu d’autre prétention que d’écrire des pop songs. La palette sonore que j’utilise peut changer, mais pas mon style d’écriture. Il y a beau avoir quelques éléments de surprise, cet album sonnera familier au public de Divine Comedy.
D’Office Politics, on risque de retenir le virage électro pop, mais il y a une dominante funk sur certains titres de l’album. Pourrais-tu nous dire pourquoi ?
Les synthés n’ont qu’un rôle d’invités. Pour les guitares je voulais leur apporter un côté pub rock à la Ian Dury & The Blockheads. Je suis même allé jusqu’à m’inspirer de Steely Dan. Je m’y connais peu en musique funk. J’ai quelques albums de référence. J’arrive à en jouer à la guitare, mais cela me demande du travail. J’ai un style très pop. Je suis entouré d’excellents musiciens qui peuvent être funky à ma place (rire).
En plein boom de la musique électronique à la fin des 80’s, début des 90’s, allais-tu en club ou dans des raves ?
La majorité de mes amis traînaient dans les clubs et les raves. Ce monde m’effrayait. J’ai du mal à faire confiance à quoi que ce soit basé sur la fête. Même jeune, j’étais déjà un misérable enfoiré (rire). Je ne voulais pas prendre de drogue car je n’en connaissais pas la provenance. Ça m’effrayait.
J’ai pris deux ecstasys dans ma vie. Le premier ne m’a rien fait. Le deuxième m’avait été donné par Mani des Stone Roses. Crois-moi, celui là a vraiment bien fonctionné (rire). Il m’a retourné le cerveau. C’était fun, mais je n’ai plus jamais voulu renouveler l’expérience. Je prends plus mon pied en buvant un verre de Sherry. Certaines personnes ont du talent pour faire la fête, moi non.
Musicalement, y avait-il certains groupes de cette scène que tu appréciais ?
J’adorais une bonne partie de ce que faisait The Prodigy. Je trouvais ça vraiment intelligent. Je suis un fan absolu des Chemical Brothers. On sous estime la qualité de leur musique. Ils sont d’une efficacité redoutable. Leurs disques sont truffés de détails et de subtilités qui rendent leurs titres percutants.
Dans un des titres tu cites les pionniers 80’s de la musique électronique. En vieillissant es-tu devenu nostalgique de la musique qui te passionnait adolescent et au début de ta carrière ? Quel est ton regard sur les nouveaux artistes ?
Je suis tourné vers le passé. Quand je tombe sur de la musique contemporaine, je suis fasciné. Je me demande toujours pourquoi elle sonne aussi mal. Ces artistes arrivent-ils vraiment à trouver un public ? J’ai commencé à acheter des disques quand j’avais 12-13 ans. C’était l’époque de Nick Kershaw, Howard Jones et toute cette clique. Nick avait de bonnes idées, j’aime bien son travail même s’il utilise trop d’accords. Howard Jones c’est une autre histoire (rire).
Sur Office Politics, c’est la nostalgie qui ressort est celle de la musique que j’écoutais avant d’acheter des disques. Quand j’étais à l’école primaire. Gary Numan, OMD, Human League, Soft Cell. Je n’écoutais pas spécialement leurs albums à l’époque. C’était plutôt une fascination à chaque fois qu’ils apparaissaient à Top Of The Pops. Phil Okaey et son énorme frange ne pouvait que te laisser une impression marquante. J’ai d’ailleurs songé à me laisser pousser la même pour la promotion du nouvel album (rire). Bref, j’ai commencé à acheter leurs disques plus tard. Je les écoute encore régulièrement aujourd’hui. Ils me passionnent.
Pourrais t-on considérer Office Politics comme un melting pot de toutes tes influences ?
Clairement. Mais aussi de ce que je n’aime pas (rire). Je n’aime pas vraiment la musique industrielle. Infernal Machines y emprunte quelques références dans l’unique but d’appuyer les paroles et le rythme du chant. Il me fallait un riff monstrueux. Un peu à la I Feel You de Depeche Mode. Il sonne comme une guitare, mais c’est du synthé. Je ne pense pas renouveler l’expérience. Je ne suis pas Nine Inch Nails. J’admire son travail, en particulier le titre Hurt. Mais je n’écouterais pas ça tous les jours.
Promenade, ton deuxième album, vient de fêter son quart de siècle. Quels souvenirs gardes-tu de cette période de ta vie ?
Déjà ? Oh mon dieu… Je me souviens surtout de solitude. Cela peut paraître déprimant mais je suis plus heureux seul qu’en compagnie de gens. J’habitais à Londres, en location dans un appartement meublé absolument horrible. Je n’avais pas un sou en poche. Ce n’était pas grave car je ne faisais rien de ma vie. Il y avait une franchise en bas de chez moi qui s’appelait Spud You Like. Ils vendaient des patates au four. Je ne mangeais que ça. Tous les jours. Je passais ma vie à composer.
[mks_pullquote align= »left » width= »250″ size= »20″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#6abfd4″] « Si je sors des rééditions, je veux que ça soit du beau travail. Et ça demande du temps. Il faut des inédits de qualité, un son remastérisé etc. J’ai envie de le faire. » [/mks_pullquote]
Promenade est sorti peu de temps après Liberation car je suis arrivé à Londres avec un stock de chansons composé quand j’habitais chez mes parents. L’album a été enregistré en huit jours avec un budget ridicule. A l’époque, je vendais 3 000 albums. Je trouvais ça formidable d’être parti de zéro et d’arriver à vendre quelques disques. On parlait même de moi dans la presse musicale. Nous n’avons sorti aucun single pour les deux premiers albums. Du coup, j’ai demandé à Keith, le patron de Setanta, mon label de l’époque, si je pouvais composer un troisième album avec quelques singles potentiels. A ma grande surprise il a dit oui.
A l’heure où tout le monde sort des éditions Deluxes avec des inédits, tu sembles résister à cette tendance plutôt lucrative. Pourrais-tu nous dire pourquoi ?
Il n’y a qu’une seule raison. Je passe ma vie à composer des albums. Si je sors des rééditions, je veux que ça soit du beau travail. Et ça demande du temps. Il faut des inédits de qualité, un son remastérisé etc. J’ai envie de le faire. Je vais même te donner un scoop : tu risques d’en entendre parler dans très peu de temps.
Tu es autant reconnu pour ta musique que pour tes textes. Quels sont pour toi les plus grands paroliers et pourquoi ?
Je suis très fort pour faire croire que mes textes sont intéressants. Pour moi, ils ne le sont pas. Je ne sais pas si j’ai des paroliers favoris. J’aime des éléments du travail de certains d’entre eux. Les textes de Morrissey quand il était dans The Smiths sont fabuleux. Il a eu une sacrée baisse de régime depuis. J’aime beaucoup Randy Newman, Jarvis Cocker, Neil Tennant et Leonard Cohen. J’ai du mal à trouver d’autres artistes qui pourraient leur arriver à la cheville. Ah si, Elvis Costello, même si parfois on a l’impression qu’il en raconte des tonnes pour épater la galerie. J’espère qu’il ne lira jamais ton interview. Ce n’est pas très grave, c’est le seul de la liste que je n’ai jamais rencontré (rire).
Office Politics de The Divine Comedy
Sorti chez Divine Comedy Records Limited / PIAS. Il est disponible chez votre disquaire local.
Merci à Chloé Bougraud
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