[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]T[/mks_dropcap]he Proper Ornaments est un super groupe dans deux sens du terme. Axé autour de Max Oscarnold (Toy, Pink Flames) et James Hoare (Ultimate Painting et Veronica Falls), le groupe sort son nouvel et fascinant album Foxhole.
Enregistré à la maison sur du matériel vintage, il nous offre des pop songs d’orfèvres, enregistrées avec spontanéité. À l’ancienne me direz-vous. C’est justement ce qui donne tout le charme à un disque qui prend ses sources dans le passé sans s’y enfermer.
Nous avons rencontré le groupe au complet dans les locaux de leur label français. Ils nous parlent de ce disque enregistré « comme les Beatles », d’un accident en studio qui a abouti à leur nouveau son, et d’un moine qui faisait de l’art avec sa machine à écrire.
On remarque d’emblée un virage au niveau du son sur ce nouvel album. Il y a moins de distorsion que sur le précédent. Qu’est ce qui a amené ce changement ?
James Hoare : Nous voulions emprunter une direction plus mélodique. Max et moi avons des pianos dans nos maisons. Nous avons principalement composé les chansons de l’album sur cet instrument. C’était un bon moyen d’obtenir le son plus doux et introspectif que nous avions en tête.
Max Oscarnold : Nous avions commencé à travailler dans le même studio que pour l’album précédent. Nous avons eu plusieurs problèmes consécutifs avec le magnétophone analogique. Les bandes étaient systématiquement endommagées. Nous avons tout laissé tombé. Avec du recul, je vois ça comme un accident heureux, car nous avons finalement décidé de tout enregistrer dans le home studio de James. Les autres membres du groupe nous rejoignaient quand les chansons étaient suffisamment avancées pour enregistrer leurs parties.
Ne pas passer de temps dans un studio professionnel a dû vous permettre de prendre tout le temps dont vous aviez besoin.
Max : Exactement. À aucun moment nous n’avons été stressés.
James : Nous étions dégoûtés de la perte de temps liée aux accidents techniques. Se retrouver à la maison, autour d’un piano, sans contrainte de temps ni d’argent, a donné une direction complètement différente à Foxhole. Nous avons pu nous permettre de laisser reposer nos chansons un certains temps, avant d’y revenir avec une perspective parfois différente.
Vos chansons ont dû passer par différentes étapes. Vous pouviez vous permettre le luxe de laisser reposer certains titres et de les aborder sous une différente perspective.
Max : C’est exactement ce qui s’est passé. Nous enregistrions des titres à la suite, avant d’y revenir après quelques jours. Certains titres sont passés par différentes versions n’ayant rien à voir les unes avec les autres.
Foxhole est votre enregistrement le plus cohérent à ce jour. En êtes vous conscient ?
James : Il sonne peut être mieux, effectivement. La différence vient surtout du fait que, pour la première fois, les titres n’ont pas été composés sur une longue période. On ressent moins ce côté “collection de chansons”. Nous avions aussi l’habitude d’enregistrer avec des amis avant de confier le mixage à quelqu’un d’extérieur à notre cercle. Nous avons tout fait de A à Z pour Foxhole. Nous avons pu le façonner à notre guise sans avoir à faire des allers-retours avec quelqu’un d’autre.
https://www.youtube.com/watch?v=u80qi5F2qgY
Vous n’avez jamais travaillé avec un producteur. Est-ce volontaire ?
Max : Honnêtement, nous n’y avons jamais réfléchi. On se dit juste “enregistrons un disque”, et non pas “comment allons-nous le faire ?”. Ça nous facilite la vie et nous gardons le contrôle sur tout.
Vous vous exposez beaucoup plus sur ce nouvel album. Vous jouez plus dans les nuances tout en cherchant à aller à l’essentiel. N’ayant pas eu de réelles contraintes, avez-vous beaucoup travaillé avant de trouver la direction qui vous convenait le mieux ?
James : C’est venu naturellement. Nous n’avons rien forcé.
Max : Je ne sais pas James. Nous voulions tout de même nous éloigner du dernier album et apporter plus de dynamique. Celui-ci a été enregistré plus collectivement, et nous avons veillé à ce qu’on ne retrouve pas les mêmes structures. Foxhole pallie bien les lacunes de Wooden Head.
Mettre le piano autant en avant était-il un moyen de rompre la routine de l’écriture à la guitare, et vous aider à trouver de nouvelles pistes ?
James : Oui, car quand tu commences à jouer d’un instrument depuis trop longtemps, tu crées des automatismes. Le piano représentait un monde différent.
Un côté très Beatles ressort de votre utilisation du piano et de la batterie. En êtes-vous conscients ?
James : Oui, car nous sommes de gros fans. Mais, pour cet album, c’est plus précisément le premier Lennon en solo avec le Plastic Ono Band, souvent appelé “Primal Scream” qui a été une influence. Mais aussi Imagine. Nous adorons le son minimal de ces albums avec juste Ringo Starr, Klaus Voormann et Lennon derrière leurs instruments.
Max : Nous avons clairement évoqué ces albums avant de nous mettre au travail. Nous voulions utiliser moins d’effets et alléger la production. Notre disque précédent sonnait un peu trop indie 80’s. Il y avait trop de reverb. Foxhole est plus efficace grâce à ses moments de silence. Nous avons laissé de l’espace entre la batterie et le piano.
Comment vous organisez-vous pour composer. Qui fait quoi ?
Max : Nous travaillons chacun dans notre coin, puis complétons les idées de l’autre au moment de l’enregistrement en apportant des arrangements. Il nous arrive également d’enregistrer à l’aveugle sans avoir aucune idée de ce qui va en sortir.
James : Tu évoquais les Beatles. Les titres de l’album qui sonnent un peu comme eux ont été travaillés autour de la batterie. Nous l’avons enregistré en premier. Tous les autres instruments ont été ajoutés et superposés trois fois. À chaque fois avec des accords différents pour arriver au résultat voulu. C’était hyper compliqué à réaliser. N’utilisant pas d’ordinateur pour l’enregistrement, je compare parfois nos chansons à des peintures. Tu dois modifier ou ajouter des couches à partir des bandes pour leur donner de la couleur.
https://www.youtube.com/watch?v=cHSxflu5a3I
Avez-vous toujours fonctionné de la sorte ?
James : C’est une approche différente de celle que nous avions au début du groupe. Nous passions beaucoup de temps ensemble à composer et enregistrer des démos. Au moment d’entrer en studio, tu as déjà tellement travaillé que tu as perdu en immédiateté.
Max : Nous avons utilisé la méthode des Beatles. Ils arrivaient en studio et ne connaissaient pas les chansons qu’allaient proposer les autres. Cette méthode apporte de la fraîcheur.
James : Tu les entends échanger entre eux dans les compilations Anthology. « Hey, Paul, tu pourrais me prévenir à quel moment la chanson se termine que je travaille mon jeu de batterie ? ». « Ok Ringo ! » (rire). À l’opposé, j’imagine tout-à-fait Coldplay bosser sur une intro pendant des jours avec une armée de producteurs, jusqu’à ce qu’elle soit parfaite (rire).
Vous êtes-vous cantonnés à vos instruments pendant l’enregistrement ?
Max : Pour la première fois, non. C’est également une différence majeure par rapport à nos expériences précédentes. Nous passions d’un instrument à l’autre. C’est la première fois que je joue du piano sur un disque. Foxhole est moins orienté sur les guitares pour cette raison.
Enregistrer à la maison doit aussi avoir ses limites. N’était-il pas trop compliqué de capturer le son de piano que vous aviez en tête ?
James : C’était un véritable cauchemar. Pour obtenir un son naturel, nous avons placé les micros tout prêt du clavier. C’est un vieux piano, il a fallu trouver un moyen de ne pas capturer le bruit des doigts sur les touches, ainsi que les sons du mécanisme.
Avec quel titre avez-vous senti que vous étiez sur la bonne voie ?
Daniel Nellis : Avec Memories, une chanson calme, orientée autour du piano. Nous n’avions jamais sonné de la sorte. Une fois ce titre composé, nous savions que nous étions tous sur la même longueur d’onde pour la suite à y donner.
Bobby Syme : C’est pour cette raison que j’ai hâte de commencer à tourner. Nous allons prendre un réel plaisir à adapter l’album à la scène. Ça va nous faire du bien de ne plus nous laisser guider par la basse et la batterie.
Y a-t-il des références extra musicales qui ont influencées l’album ?
Max : La pochette de l’album est inspirée d’un moine qui réalisait des dessins à partir d’une machine à écrire. Il vivait dans le centre de l’Angleterre. Son nom est Dom Houédard. Je suis tombé sur une photo d’une de ses œuvres. Il avait arrangé des mots et j’ai trouvé ça sublime. On appelait ça de la « poésie concrète » ou « de l’art à la machine à écrire ». Le père de James est professeur d’art. Nous lui avons initialement demandé de réaliser la pochette, mais il était trop occupé à l’époque. Le plus drôle, c’est que Dom était le professeur d’art de son père dans les années 60. Ce dernier avait même assisté à une de ses expositions. Il m’a donné quelques conseils bien utiles pour la confection de la pochette de Foxhole.
Vous inspirez-vous également de la littérature ?
Max : Mes paroles sont souvent inspirées des livres que je lis. Je prends beaucoup de notes sur un carnet, et je puise des idées pour m’inspirer. Cette fois-ci j’ai rédigé des nouvelles, et je me suis risqué à la méthode du cut up. J’ai fait des centaines de copier-coller sur mon ordinateur (rire). Sinon, musicalement, j’ai pas mal réécouté Mercury Rev au moment de la composition de l’album.
James : Les chansons s’inspirent surtout de notre passé adolescent. C’est de là que vient le côté nostalgique de Foxhole. Il s’en dégage de la mélancolie car nous avons tous gardé de bons souvenirs de cette époque.
Max : Il est plus facile de se retourner vers le passé et de se remémorer de vieux souvenirs plutôt que d’affronter un futur incertain.
Sachant que Television est un de vos groupes préférés, le titre de l’album, Foxhole fait-il référence à leur fameux single ?
James : Pas directement. Nous aimions l’idée de mettre les gens sur une mauvaise piste. Nous sommes de gros fans de Television, surtout du jeux de guitare de Richard Lloyd. C’est juste une référence aux paroles d’un titre de l’album.
Max : J’ai toujours trouvé que Foxhole (un terrier, une renardière ou une tranchée en français ndlr) était un excellent titre pour une chanson. Je suis content d’enfin pouvoir utiliser cette idée pour notre album. Ce titre fait référence à des documentaires que j’ai vu sur la première et la deuxième guerre mondiale. Le Foxhole est pour moi une référence à un endroit dans lequel tu te protèges des folies qui se passent dans notre monde. Comme les tranchées.
James : On regarde en arrière mais pas à la manière d’un groupe de rock obsédé par les 60’s. Notre regard est un peu plus sombre. Quand j’y pense, nous parlons beaucoup du passé entre nous. C’est un peu une obsession. J’ai tellement d’amis autour de moi qui ne regardent jamais en arrière.
Max : J’ai remarqué que les gens qui se moquent du passé sont souvent ceux qui vivent confortablement. Ils ont tous ce que je considère comme des gadgets dernier cris inutiles. Des tablettes etc. Ils abordent le futur sans crainte. Nous sommes des individus plus fragiles. Nous nous retournons vers le passé pour voir ce que l’on pourrait créer pour le futur.
Max : Pour la petite histoire, Jeremy’s Song, le titre dont les paroles ont donné son nom à Foxhole n’aurait pas dû figurer sur l’album. C’est ce fameux Jeremy, qui s’est occupé du mastering qui nous a vivement conseillé de l’inclure car il l’adorait. On lui a dit ok, mais seulement si on lui donne ton nom. Vous le connaissez peut-être. Il s’agit du musicien Jeremy Jay qui a sorti des disques chez K Records, le label de Calvin Johnson.
Que répondriez-vous à un critique qui juge que votre musique sonne trop rétro ?
James : Je ne vois rien de mal à sonner un peu daté, même si je trouve que ce n’est pas vraiment le cas.
Bobby : Nous sommes loin des clichés 60’s avec Foxhole. Nous n’avons pas essayé de recréer l’ambiance d’Austin Powers (rire). Nous prenons notre inspiration d’œuvres anciennes, mais notre son est moderne.
Max : Foxhole sonne nettement mieux et plus moderne qu’une bonne partie des productions actuelles que je trouve « over the top ». N’avoir que huit pistes pour créer un album te pousse à bien réfléchir à ce que tu veux utiliser.
James : Tous a été enregistré sur du matériel des années 60 ou 70. C’est ce qui fait toute la différence.
Depuis le début du groupe, vous en êtes à sept maisons de disques. Est-il de plus en plus difficile de trouver des structures pour sortir vos enregistrements ou bien préférez-vous vous sentir libre ?
(rire général)
James : C’est surtout que nous sommes le groupe le plus désorganisé de la planète. Mais c’est aussi un signe du temps. Les maisons de disque ne prennent plus le temps d’investir dans des artistes. Certains labels ne survivent que quelques années.
Max : Depuis toujours, une fois l’enregistrement achevé, nous commençons à chercher des gens intéressés pour sortir nos chansons. J’ai été désigné par les autres pour apporter un peu de structure au groupe. Tu n’as pas idée de ce qui a pu nous arriver par le passé.
James : Nous avons raté des ferries, oublié de nous rendre à un concert pour y jouer. Nous retrouver aujourd’hui en face de toi est un exploit qui montre que nous sommes sur la bonne voie (rire général).
Retrouvez la chronique de l’album par Davcom ici.
Crédit Photos : Alain Bibal
Merci à Marion Seury
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