[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]A[/mks_dropcap]h tiens, celle-là je ne m’y attendais pas. Disons que de la part de Cold Dark Matters Records, pour leur première référence vinyle, j’attendais avec une impatience non feinte le triple de Red Harvest et là… ben… non. Le label me prend par surprise en rééditant le second album de Ende, The Rebirth Of I.
Quoi ? Vous avez l’outrecuidance de ne pas connaître The Rebirth Of I ? Initialement sorti chez Obscure Abhorrence en 2015, celui-ci n’a, jusque là, jamais bénéficié d’une édition vinyle. Oubli fâcheux. Alors pour réparer cette injustice, Cold Dark Matter Records lui a fait l’honneur d’être sa toute première référence en la matière.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]M[/mks_dropcap]aintenant de quoi il en retourne ? Bon alors c’est assez simple : fermez les yeux, faites le vide autour de vous. Imaginez vous il y a plus de vingt ans, perdu en plein milieu des Carpates, seul, en pleine nuit, dans la neige pour bien faire, une horde de loups à vos trousses.
Le vent souffle de toutes parts, il fait un froid glacial et vous courez, courez pour survivre, hurlez pour effrayer cette meute qui aimerait bien s’offrir un petit en-cas pour minuit. Vous courez à en perdre haleine, parfois vous trouvez quelques monuments sur votre chemin histoire de vous mettre à l’abri, vous reposer un peu. Il vous arrive même d’entendre, dans le très lointain, le son d’une cloche, vestige d’un semblant d’humanité.
Mais ce qui vous préoccupe le plus, outre cette meute à vos trousses, ce sont ces saletés de corbeaux qui n’attendent que le moment où vous ne vous relèverez pas pour picorer votre cadavre, cette saloperie de vent qui vous pénètre et s’infiltre jusqu’à l’os de façon à vous paralyser.
Et cette neige qui virevolte ? Elle est partout, à perte de vue et vous ralentit à force de tomber.
Maintenant vous la voyez l’issue ?… The Rebirth Of I c’est ça : l’ultime sursaut avant la fin, l’énergie du désespoir qui, de toutes façons, ne vous servira à rien. Vous êtes condamné, le savez et ne pouvez rien y faire.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]D'[/mks_dropcap]un point de vue imaginaire, voilà ce que donne The Rebirth Of I. D’un point de vue musical, vous vous en doutez, si nous ne sommes pas très loin des territoires du Père-Noël, nous sommes à des années-lumière de la guimauve proposée par certains chanteurs.
Le metal pratiqué par Ende renvoie directement au true black norvégien d’il y a une vingtaine d’années, celui sale, teigneux, la bave aux commissures des lèvres, bien malsain de Mayhem.
Évidemment il n’y a plus l’aspect novateur et malsain des norvégiens (en 1994 De Mysteriis Dom Sathanas fait figure d’ovni dans le paysage musical mondial), le chant des français est plus classique pour ce style d’exercice (Growl d’usage avec quelques passages en voix claire sur les chœurs et d’autres légèrement plus claires sur Une Forêt De Cadavres, un des grands titres de ce disque) mais The Rebirth Of I est plus qu’un simple hommage aux aînés. C’est un album très cinématographique, proposant une ambiance marquée par le désespoir, l’angoisse, utilisant beaucoup d’éléments naturels extérieurs (le vent, les cloches, le croassement des corbeaux) pour appuyer son propos, un véritable court-métrage ménageant excellemment ses effets, avec au moins deux climax (Black Sorcery Of Great Macabre et Quintessence Of Evil, speed, violents, sans fioritures et très mélodiques) et des pauses / respirations nécessaires (An Ode To Bathsheba) pour ne pas nous perdre complètement.
Si on devait faire des analogies cinématographiques, The Rebirth Of I évoquerait Shining pour les paysages enneigés mais surtout Le Projet Blair Witch pour le côté crade, pulsionnel, naturaliste du disque. En effet, à l’écoute de The Rebirth Of I, tout ce qui semble lisse, propre, a été effacé pour privilégier une spontanéité et se rapprocher ainsi de l’essence même du true black.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]C[/mks_dropcap]oncrètement ça donne quoi ? Outre le batteur dont le jeu est assez classique pour ce type de musique, l’auditeur a l’impression que le guitariste joue sur des cordes rouillées avec des amplis antiques auxquels il manquerait plusieurs lampes.
Du coup, pour se faire entendre, il est obligé de pousser le volume des pédales à fond, donnant une coloration crue, « vraie » à leur metal. Parce qu’au fond, c’est de cela qu’il s’agit ici : Ende ne cherche pas à révolutionner la face du monde avec leur metal mais à le jouer avec sincérité, de façon assez instinctuelle, privilégiant les tripes, le cœur à son intellectualisation. C’est simple, direct, très visuel et plus accrocheur encore.
Alors si vous ne savez pas où aller en ce mois de janvier, n’hésitez pas à faire un tour du côté des Carpates en compagnie de Ende. Vous ne regretterez pas le voyage (même s’il ne s’agit que d’un aller).