[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]S[/mks_dropcap]ouvenez-vous, fin décembre, je vous mettais (ou pas) l’eau à la bouche en évoquant deux sorties Françaises de ce début d’année. D’un côté il y avait le nouveau Bertrand Belin, de l’autre le premier album de Yeruselem. Si l’un a suscité beaucoup d’attente et reçu un accueil plus que positif, pour le second, à mon humble avis, l’attente et l’accueil devraient être sensiblement différents. Surtout après avoir dit que Yeruselem, c’est le nouveau projet de Vindsval, associé à W.D Feld, soit les 2/3 de Blut Aus Nord. Et qui dit Blut Aus Nord dit forcément black metal déviant à l’accessibilité plus que limitée (même si sur les derniers essais du français on peut contester ce préjugé).
À la lumière de ce préambule, vous vous demanderez avec justesse : y-a-t-il vraiment un intérêt à aller jeter une oreille sur un disque dont on sait d’ores et déjà qu’il devrait être inaudible parce que fait par les deux membres originels de Blut Aus Nord ?
Si je fais la chronique c’est, bien évidemment, que la réponse est positive. Parce que The Sublime est loin d’être inaudible et surtout il est très bon. Mais je vous l’avoue, étant quelque peu fan des travaux de Vindsval, mon avis ne peut être que biaisé.
Il n’empêche.
Revenons à l’essentiel : pour schématiser très grossièrement, The Sublime c’est un peu le versant obscur de Blut Aus Nord. Une face obscure à une musique déjà obscure et malsaine, ça donne quoi ? Un disque blafard, aux teintes grises, dans lequel vous trouverez quelques rayons lumineux, à peine suffisants pour vous réchauffer mais loin des descentes en enfer sans rappel de leurs premiers disques. Un album presque accessible marchant, dans son premier tiers, sur les pas de la trilogie 777 (plus vers The Desanctification que Sect(s) ), à savoir des voix claires, des mélodies distinctes, des ambiances flirtant avec l’indus, l’ambient, le metal (Autoimmunity). Le seul problème, et de taille, est que nous sommes ici en terrain un peu trop familier pour être véritablement conquis. Et pour tout dire, jusque là, rien ne distingue réellement Yeruselem de Blut Aus Nord.
D’où la question suivante : pourquoi faire un projet parallèle si c’est pour reprendre les mêmes ingrédients ?
La réponse suivra dans les deux tiers suivants.
De fait, après un Sound Over Matter ambient qui semble conclure l’épisode Blut Aus Nord, The Sublime va prendre une toute autre tournure en changeant complètement de braquet. Dès l’intro de Joyless, le ton est différent : Coil s’invite, alourdit sérieusement l’ambiance et cède la place à un metal industriel aux structures complexes (rappelant beaucoup Autechre),d’une pesanteur incroyable, à peine contrebalancées par des voix claires et fantomatiques. Ensuite, c’est au tour de Justin Broadrick d’entrer dans la danse via une basse monstrueuse sur un Triiiunity monumental, irrigué par des pulsations cold wave, malsain au possible (tout l’esprit de BaN semble se concentrer dans le traitement très particulier des voix). Suivant la même option (indus/cold wave) Babel évoque une sorte de rite chamanique, incantatoire (duquel on parvient à distinguer quelques mots intelligibles), au rythme concentrique, trou noir musical vous entraînant dans son abysse. Et enfin, pour Reverso, là, le duo sort l’artillerie lourde : un beat massif, martial, une basse énorme, une ligne de guitare hypnotique, des voix fondues dans ce maelström dévastant tout sur son passage, il n’en faut pas plus pour ployer l’échine et s’avouer vaincu par un savoir-faire véritablement singulier. Après cette claque magistrale, il faut bien un retour sur les terres apaisées de l’ambient pour reprendre ses esprits et quitter The Sublime en paix.
Maintenant, outre la musique, comme à chaque fois, l’objet proposé est superbe : visuellement parlant The Sublime est de nouveau une réussite, Den Sohra est sans conteste le graphiste le plus intéressant de cette décennie et son génie n’est plus à prouver.
En somme The Sublime est de nouveau une réussite de la part de Vindsval. Pas aussi éclatante qu’espéré mais une réussite quand même, lui permettant à la fois de pouvoir s’affranchir d’un style (qu’il a déjà bien torpillé), montrer toute l’étendue de son talent hors black metal (la culture dont il fait preuve s’étend bien au-delà de cette sphère. Si vous jetez un œil sur sa page Facebook et notamment la série #échoes, vous y verrez quelques albums surprenants comme ceux de Coltrane, Autechre, King Crimson, Ferré ou encore Bowie) et rendre hommage à ses héros (Godflesh, Autechre, Coil). Beau programme qui aurait été parfait si The Sublime avait été un Ep. On devra juste se contenter d’un excellent disque. Ce qui n’est déjà pas si mal me direz-vous.
The Sublime de Yeruselem
Sortie le 8 février chez Debemur Morti ainsi que chez tous les sublimes disquaires de France et d’ailleurs.