[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]A[/mks_dropcap]h qu’elle était attendue cette série !
Une série française d’anticipation dont les quelques images vues jusque-là révélaient une certaine ambition autant dans le propos que dans l’esthétisme…
Dans une société française futuriste devenue totalitaire, 80% de la population est au chômage, parquée dans « la zone », sorte de bidonville glacial dans lequel il n’y rien d’autre à faire que survivre en faisant profil bas, et rêver de partir un jour « dans le Sud »…
Un mur a été construit, pour séparer cette population des 20% restant, actifs eux, riches et vivant dans des espaces confortables et ultra technologiques. Mais ces actifs qui vivent dans l’obsession absolue de ne pas être renvoyés, de ne pas être envoyés dans la zone, se déshumanisent peu à peu au profit d’une entreprise-gouvernement toute puissante qui nie leurs individualités.
Laquelle de ces deux franges de population est la moins libre ?
Qui est le plus enfermé par ce mur ?
Faut-il réellement travailler pour être quelqu’un ?
Combien de temps peut-on contenir un système comme celui-là ?
Quels types de personnages peuvent habiter ce monde ? Comment vont-il évoluer ? Quelles seront leur moteur, leurs zones d’ombre ?
Quelle histoire peut-on raconter en 6 épisodes ?
Le synopsis de cette série soulevait un tas de questions passionnantes…
De l’anticipation à la française, je n’en avais pas vu depuis Malevil (en 1981, donc…).
La photo, les décors, les costumes semblaient plus qu’ambitieux, assumant des références aussi écrasantes que Brazil, Fahrenheit 451 ou Bienvenue à Gattaca (tous des films dépeignant des sociétés dystopiques d’ailleurs)…
Bref, cette série promettait des choses bien excitantes !
Mais Trepalium, disons-le dès à présent est une déception.
D’abord il y a un véritable problème de rythme. Cette courte de série de 6 épisodes de 52 minutes a été diffusée en deux soirées sur Arte. De fait, la série a clairement deux parties totalement déséquilibrées.
Les trois premiers épisodes entiers sont consacrés à l’exposition -très contemplative- de l’histoire, de cette société, des personnages. La mise en place est lente. En soi, ça n’aurait pas été si problématique si la série avait eu une douzaine d’épisodes… Mais réaliser au bout de trois épisodes qu’on n’en est « que là » dans l’avancée de la narration, en sachant qu’il ne reste que trois épisodes pour résoudre toutes les problématiques, rend déjà dubitatif…
Et effectivement, la seconde partie s’accélère. Trop. Il n’y a plus assez de temps pour raconter en détails la fin de l’histoire, alors on fait des raccourcis, les dialogues deviennent explicatifs et maladroits, et les résolutions narratives expédiées…
Ensuite il y a un problème de moyens. L’ambition est bel et bien présente mais le scénario aurait pu être bien plus profond, les personnages bien plus complexes, les situations moins cousues de fil blanc… et les acteurs tellement mieux dirigés (mais qu’est-il arrivé à Charles Berling ?!) ! Les questions philosophiques posées par l’invention d’une telle société sont à peine effleurées pour laisser place à un thriller un peu poussif et qui manque d’originalité… Bref tout est survolé, sauf les décors, particulièrement spectaculaires, mais qui ont pris tellement de place que le metteur en scène (Vincent Lanoo) préfère passer son temps à les contempler plutôt que d’y raconter une histoire forte…
Les acteurs ne sont pas mauvais, pourtant. Léonie Simaga, Pierre Deladonchamps, Nemo Schiffman et Achille Ridolfi en tête sont de nouveaux visages dans le paysage audiovisuel français et ça fait du bien. Ils incarnent assez intelligemment des personnages parfois un peu trop linéaires…
Pour finir, même la révélation finale au dernier épisode est amenée maladroitement, trop expliquée, trop appuyée. Elle en perd de son attrait, vous savez, ce fameux cliffhanger qui fait qu’on est dans un état de frustration intense à l’idée de devoir attendre des mois avant de voir la saison 2…
Et bien là, non. Pas de frustration. On comprend déjà tout, on sait déjà tout, on a même parfois deviné cinq minutes avant les personnages (horreur)…
La frustration est réelle, mais pas là où le réalisateur l’aurait souhaitée. Elle réside dans le fait que la production aurait pu un peu plus parier sur l’intelligence des spectateurs et aurait pu mettre des moyens au bons endroits : la collection de Lada et de Simca n’était peut-être pas indispensable, faire vivre un peu plus les personnages secondaires aurait été salutaire.
Pour conclure, il reste une sensation de gâchis. Cette série avait tout pour être superbe et elle ressemble à du carton-pâte… Dommage.