[dropcap]A[/dropcap]vec Ulla ou l’effacement, l’écrivain d’origine allemande Andréas Becker rend un hommage douloureux et poignant à sa mère Ulla, morte à 46 ans d’une cirrhose du foie. Ulla, qui a passé les dernières années de sa vie sur ce canapé « bouteille vert », dans cet appartement de Hambourg, ville martyre, bombardée, réduite en cendres pendant la Deuxième Guerre mondiale. Ville où la petite fille Ulla a déambulé, couru, entourée de décombres, de blessés et de morts, ville grise. Petite fille détruite, réduite en cendres qui, elle, contrairement à sa ville, ne se reconstruira jamais. Andréas Becker écrit en français : une langue qu’il s’approprie, empoigne, malaxe jusqu’à lui faire rendre gorge.
Ulla habite une maison des faubourgs bourgeois, avec de grandes fenêtres, une belle lumière. Elle y habite, elle n’y vit pas. Cette femme-là n’a jamais vécu, elle a passé sa vie à se faire mourir à grands coups de whisky. L’air de ne pas y toucher, elle écoute ce qu’on lui dit, sourit un peu mais ne bouge pas. Quand elle est seule, elle reste couchée sur son canapé bouteille vert, se lève pour avaler une gorgée de whisky, se recouche. Le whisky, « son photo-roman à elle seule ». Le foie malade, le gros ventre, la douleur, les varices… et le cœur qui, contre toute attente, tient bon.
« Le fils, celui qu’elle a essayé d’aimer, celui qui écrit l’histoire, la regarde, se souvient, les mots sont inutiles, inadéquats. C’est quand elle sera partie, Ulla, qu’ils viendront, ces mots. Ceux que nous sommes en train de lire et qui nous émeuvent, nous, les étrangers à cette histoire. »
Le fils, celui qu’elle a essayé d’aimer, celui qui écrit l’histoire, la regarde, se souvient, les mots sont inutiles, inadéquats. C’est quand elle sera partie, Ulla, qu’ils viendront, ces mots. Ceux que nous sommes en train de lire et qui nous émeuvent, nous, les étrangers à cette histoire. Nous qui avons eu nos deuils, nos pertes et nos souffrances, mais jamais comme ça, comme Andréas Becker les écrit, les met à vif avec un mélange de brutalité et de sensibilité à fleur de peau. Ulla aura traversé sa courte vie et celle de ses proches comme un fantôme, un être éthéré dans un corps souffrant, déformé. Ou peut-être un être acharné à sa propre disparition dans un monde qui ne vaut pas qu’on y vive? Comment le fils peut-il faire face à cette disparition progressive ? Avec ses mots, avec sa peine, sa colère, son impuissance : c’est le précieux cadeau qu’Andréas Becker nous fait avec ce livre. Attraper les mots à bras le corps, les jeter sur le papier, leur donner toute la puissance de ce geste en les bousculant, en les faisant glisser, déraper, exploser et ainsi, rendre toute sa beauté à Ulla disparue.
Cette édition reliée de Ulla ou l’effacement est illustrée par des photos et des créations graphiques signées Jean-Denis Bonan : paysages urbains, portuaires, superpositions, transparences, reflets, surfaces grattées, silhouettes et corps fuyants, elles jouent un corps à corps avec les mots, avec lesquels elles s’installent dans une intimité troublante de bleus et de gris.
A noter : Jean-Denis Bonan est également le réalisateur d’un film inspiré par Ulla ou l’effacement, intitulé Bleu Palebourg.
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Ulla ou l’effacement de Andréas Becker et Jean-Denis Bonan
Paru aux Editions d’en bas, Janvier 2020
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