Camille a 23 ans. Lors d’un séjour en Espagne, elle est prise de maux de têtes, de vertiges. Elle voit trouble. Après plusieurs déboires, elle finit par être prise en charge et par passer un scanner et une IRM. Le diagnostic tombe : elle souffre d’un AVC, fait une hémorragie cérébrale et doit subir en urgence une opération, c’est le début d’une longue série d’actes médicaux.
Dans Et par endroits ça fait des nœuds (publié aux éditions Autrement), Camille Reynaud raconte à la fois son hospitalisation, son parcours médical et ses craintes et questions dans cet ouvrage atypique qui s’avère être le socle d’un processus de réflexion la conduisant à la réconciliation avec un corps qui l’a trahi.
« Je joue avec les mots car dans les mots, c’est ma vie qui se joue ».
Elle compare, recherche, décortique : décrire les effets d’un médicament, expliquer le fonctionnement du cerveau… Appréhender, comprendre la maladie, interroger le mal par les mots, Camille Reynaud tente une recomposition, une reconstruction de soi par l’écrit, le dire. La machine hôpital est complexe, elle soigne un corps diminué, fragile. Le corps d’un individu qui n’a pas forcément perçu, intégré toutes les dimensions de sa maladie. Un malade qui cherche à comprendre ce qui lui arrive et à retrouver une intégrité. Cette expérience littéraire médicale de quête de sens que mène Camille Reynaud s’inscrit dans la lignée d’autres ouvrages, comme Le Lambeau de Philippe Lançon, Patients de Grand Corps Malade ou encore Le protocole compassionnel d’Hervé Guibert.
« Tu as l’air en forme, ne cesse-t-on de me dire, comme pour me convaincre que je le suis. L’espace de l’écriture photographique est si sensible qu’il finit par imprimer une image de soi à travers celle des autres ».
L’originalité de ce récit tient notamment à de multiples références littéraires, philosophiques, artistiques, où l’œil de la photographe qu’est Camille Reynaud n’est jamais bien loin. L’autrice, par sa réflexion, par sa perception, devient la digne héritière de celles et ceux qu’elle cite : elle confronte l’art à la maladie pour accepter, partager et guérir comme par exemple Ocean Morisset atteint d’un cancer a pu le faire avec ses autoportraits (Self-portraits : seeing myself as I face cancer) et elle déconstruit des concepts limitants à l’instar de Clara Vidal-Rosset et Léa Perret qui ont réalisé des poèmes à partir de papiers administratifs, de formulaires de santé, de déclaration Pôle emploi, une performance visant à dénoncer l’absurdité du système administratif.
« Le fonctionnement du cerveau n’est pas linéaire. Pourquoi celui de mon récit le serait-il ? J’écris comme l’électricité circule dans mon cerveau – par connexions, bifurcations, digressions, nœuds et passages. »
Ces multiples références à des auteurs, des artistes, des inconnus n’est-elle pas une façon de se rapprocher du monde, un moyen d’annihiler la gravité du mal, en le vulgarisant, en l’associant à d’autres expériences ? La maladie semble reculer face aux récits d’autrui.
» J’aurais aimé prendre en photo toutes les personnes qui ont pris soin de moi, immortaliser la chaine ouvrière de la guérison ».
Un livre profond, drôle, émouvant, qui prête à réfléchir, riche en références, en réflexion. Un premier roman très prometteur et une autrice originale à découvrir.
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Et par endroits ça fait des nœuds de Camille Reynaud
Autrement, Janvier 2021
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Image bandeau : Photo by Robina Weermeijer on Unsplash