Il existe des livres taillés comme des sculptures, devant lesquels nous tombons en admiration. La finesse du ciseau employé pour tailler la pierre, le polissage de l’œuvre finie, le reflet de la lumière ainsi que le jeu des ombres sur le marbre: il en est de même pour Veiller sur elle. Ce roman fait partie des sculptures que l’on se plaît à admirer longtemps, et à découvrir la beauté à chaque page.
En 1986, dans une abbaye, un frère se meurt, après avoir passé quarante ans à veiller sur elle, cette pièta qui trouble tellement ses admirateurs que le clergé a décidé de l’enfermer afin de la soustraire à la vue et au scandale. Mais qui est cet homme ? Quel est son secret ?
« Ils en avaient longtemps parlé, de ce fossé qui croît entre deux êtres que rien, croyait-on, ne pouvait séparer. De ces échardes que le temps vous glisse sous la peau et que l’on ignore-qui s’inquiète d’une écharde?- mais qui s’infectent un jour. »
─ Jean-Baptiste Andrea, Veiller sur elle
Quelques décennies plus tôt, dans les années 20 en Italie, Mimo et Viola n’auraient jamais dû se rencontrer, mais la vie joue quelquefois des tours qui la rendent surprenante et magnifique. Mimo est un génie de la sculpture sur pierre, orphelin de père, pauvre et miséreux ; Viola est l’héritière d’une famille extrêmement riche, les Orsini (on raconte que « lorsque l’un d’eux éternuait, les domestiques subtilisaient son mouchoir pour en extraire la poussière d’or ») qui n’a que faire du petit peuple. Mimo, de son vrai prénom Michelangelo, est petit par la taille, mais immense par le talent. Viola, c’est une femme bien trop savante, bien trop décalée pour son époque, et emprisonnée dans une intelligence qui va lui jouer mille tours. Ils vont grandir et évoluer ensemble dans une société qui n’autorise pas leur amitié, mais qu’ils vont malgré tout réussir à apprivoiser à leur façon. Pendant que Mimo va s’élever socialement et devenir riche, Viola va s’écraser au sol, et se perdre dans un mariage inconcevable et destructeur. Tout en voyageant dans un pan de l’Histoire italienne (la puissance de la montée du fascisme vue de la société civile), on explore leur région, celle de Pietra Alba, qui souffre en hiver mais revit chaque été grâce aux odeurs d’orange et de néroli. Viola et Mimo, unis, liés depuis leur rencontre, jusqu’à la mort. Et plus encore.
Jean-Baptiste Andrea sculpte ici un tableau rare et magnifique, à travers une amitié impensable qui résistera aux défaillances de l’Histoire, mais aussi aux épreuves que peut parfois imposer le simple fait de vivre. Lire ce livre, c’est comprendre que le talent ne se possède pas, mais qu’il est « un nuage de vapeur que tu passes ta vie à essayer de retenir ». Comme l’amour.
Ce roman a reçu le prix FNAC 2023
Oui, c’est bien écrit. Rien de transcendant à mon avis, mais ça se lit bien dans le train. Les situations sont assez invraisemblables, et le personnage de Mimo peu à même d’inspirer amour ou répulsion. Un Prix Goncourt comme les précédents: usurpé.